Cour de cassation,
Chambre civile,
du 20 mai 1936,
Mercier
Sur le moyen unique :
Attendu
que la dame Mercier, atteinte d’une affection nasale, s’adressa au
docteur Nicolas, radiologue, qui lui fit subir, en 1925, un traitement
par les rayons X à la suite duquel se déclara chez la malade une
radiodermite des muqueuses de la face ; que les époux Mercier, estimant
que cette nouvelle affection était imputable à une faute de l’opérateur,
intentèrent contre celui-ci, en 1929, soit plus de trois années après
la fin du traitement, une demande en dommages-intérêts pour une somme de
200 000 francs ;
Attendu
que le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué, rendu par la cour d’appel
d’Aix le 16 juillet 1931, d’avoir refusé d’appliquer la prescription
triennale de l’art. 638 du code d’instruction criminelle à l’action
civile intenté contre le docteur Nicolas par les époux Mercier, en
considérant que cette action tenait son origine, non du délit de
blessures par imprudence prétendument commis par le praticien, mais du
contrat antérieurement conclu entre celui-ci et ses clients et qui
imposait au médecin l’obligation de donner « des soins assidus, éclairés
et prudents », alors que, d’après le pourvoi, ledit contrat ne saurait
comporter une assurance contre tout accident involontairement causé, et
que, dès lors, la responsabilité du médecin est fondée sur une faute
délictuelle tombant sous l’application des art. 319 et 320 du code pénal
et justifiant en conséquence l’application de la prescription triennale
instituée par ces textes ;
Mais
attendu qu’il se forme entre le médecin et son client un véritable
contrat comportant, pour le praticien, l’engagement, sinon, bien
évidemment, de guérir le malade, ce qui n’a d’ailleurs jamais été
allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, ainsi
que parait l’énoncer le moyen du pourvoi, mais consciencieux, attentifs
et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux
données acquises de la science ; que la violation, même involontaire, de
cette obligation contractuelle, est sanctionnée par une responsabilité
de même nature, également contractuelle ; que l’action civile, qui
réalise une telle responsabilité, ayant ainsi une source distincte du
fait constitutif d’une infraction à la loi pénale et puisant son origine
dans la convention préexistante, échappe à la prescription triennale de
l’art. 638 du code d’instruction criminelle ;
Attendu
que c’est donc à bon droit que la cour d’Aix a pu déclarer inapplicable
en l’espèce ladite prescription pénale, et qu’en décidant comme elle
l’a fait, loin de violer les textes visés au moyen, elle en a réalisé
une juste et exacte application ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Par ces motifs, rejette.
biblio
Daniel Bert, Feu l'arrêt Mercier !, Recueil Dalloz 2010 p. 1801
Daniel Bert, Feu l'arrêt Mercier !, Recueil Dalloz 2010 p. 1801
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