vendredi 21 janvier 2000

155 : Cour de cassation, assemblée plénière ARRÊT DU 29 MARS 1991, BLIECK


Cour de cassation
Assemblée plénière
Audience publique du vendredi 29 mars 1991
N° de pourvoi: 89-15231
Publié au bulletin
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Limoges, 23 mars 1989), que X..., handicapé mental, placé au Centre d'aide par le travail de Sornac, a mis le feu à une forêt appartenant aux consorts X... ; que ceux-ci ont demandé à l'Association des centres éducatifs du Limousin, qui gère le centre de Sornac, et à son assureur, la réparation de leur préjudice ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné ces derniers à des dommages-intérêts par application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, alors qu'il n'y aurait de responsabilité du fait d'autrui que dans les cas prévus par la loi et que la cour d'appel n'aurait pas constaté à quel titre l'association devrait répondre du fait des personnes qui lui sont confiées ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le centre géré par l'association était destiné à recevoir des personnes handicapées mentales encadrées dans un milieu protégé, et que X... était soumis à un régime comportant une totale liberté de circulation dans la journée ;
Qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que l'association avait accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé, la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'elle devait répondre de celui-ci au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, et qu'elle était tenue de réparer les dommages qu'il avait causés ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

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Dans cette affaire, Monsieur Blieck, handicapé mental, placé sous curatelle, est placé par son entourage familiale dans un centre éducatif spécialisé, où il séjourne en internat (Centre d’aide par le travail). A l’occasion d’une de ses sorties, profitant de sa totale liberté de circulation, il est allé dans la forêt voisine, à laquelle il a mis le feu. Les propriétaires de celle-ci ont demandé à l’association gérant le centre éducatif en question et à son assureur réparation du préjudice. La Cour d’appel accorde cette indemnisation. L’association est condamnée en application de l’article 1384 al. 1er  du Code civil.
Le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour est très clair, puisqu’il soutient qu’il ne peut y avoir de responsabilité de fait d’autrui que dans les cas prévu par la loi, qu’aucun alinéa de l’article 1384 ne prévoit l’hypothèse correspondant au cas particulier de l’espèce et qu’ainsi aucune condamnation ne peut être prononcée. Le Premier Président de la cour de cassation, Pierre Drai, décide de réunir l’assemblée plénière en raison du caractère nouveau et de principe de la question soulevée par le cas.
Les juges estiment que « l’association avait acceptée la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de cet handicapé », c’est pourquoi l’arrêt estime que les juges du fond ont décidé « à bon droit » que l’association « devait répondre de celui-ci au sens de l’article 1384 al 1 du Code civil.

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Cet arrêt est formellement construit comme un arrêt d’espèce mais formule un principe : désormais, comme le fit l’arrêt Jand’heur pour le fait des choses, c’est d’une façon générale que l’on est responsable du fait des personnes dont on a la charge. Les différents alinéas de l’article 1384 ne sont donc plus que des exemples ou des régimes spéciaux de l’alinéa premier de cet article devenu majeur.
De la même façon que l’arrêt Jand’heur répondit aux phénomènes économiques et techniques du machinisme, l’arrêt Blieck répond au phénomène démographique et sociale de la multiplication des « personnes dont on a la charge », non seulement parce qu’elles se multiplient (enfants prématurés) personnes du quatrième âge, et parce que la famille déporte cette charge sur des institutions, qu’elle rémunère pour qu’elles s’assurent et répondent financièrement des dommages causés par ces nombreuses personnes affaiblies par l’âge et les handicaps.
Par MAFR
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