mercredi 26 février 2020

478 : Un père de famille complice du tapage nocturne de ses enfants : Arrêt du 26 février 2020 (19-80.641) - Cour de cassation - Chambre criminelle


Arrêt du 26 février 2020 (19-80.641) - 

Cour de cassation - Chambre criminelle

Un père de famille condamné pour complicité de tapage nocturne pour une fête bruyante organisée par ses enfants au domicile familial en sa présence

Arrêt de la Cour de Cassation (chambre criminelle) du 26 février 2020, pourvoi nº 19-80.641.
L’article R. 623-2, alinéa 1er du Code pénal punit de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe : « les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d’autrui ».
L’auteur de l’infraction est la personne physique personnellement responsable de l’acte volontaire troublant la tranquillité d’autrui.
Mais ce texte punit de la même peine le complice qui a facilité « sciemment, par aide ou assistance, la préparation ou la consommation » de l’infraction.
Est ainsi considérée comme étant complice de l’infraction de tapage nocturne :
- la personne qui a aidé activement l’auteur de cette infraction ou participé à celle-ci ;
- ou encore celle, présente dans les lieux, ayant eu un comportement passif, alors qu’elle avait le pouvoir ou les moyens de mettre fin au trouble.
C’est ce qu’a confirmé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 26 février 2020, à propos d’un père de famille qui avait laissé se perpétrer des bruits troublant la tranquillité d’autrui sous son toit, alors qu’il était présent.



1°. Faits
Le 16 mai 2016, vers 1 h 10 du matin, les policiers, requis par un voisin, avaient constaté qu’à l’intérieur du domicile de Monsieur X., ils entendaient de nombreux cris, rires et hurlements de jeunes gens, que ses cris et hurlements étaient susceptibles d’importuner de nombreux riverains et qu’ils provenaient de la maison de Monsieur Y.

2°. Procédure

Par jugement contradictoire du 22 novembre 2017, le tribunal de police de Clermont-Ferrand, statuant sur son opposition à une ordonnance pénale en date du 9 février 2017, avait déclaré Monsieur Y. coupable de complicité de tapage nocturne et l’avait condamné à une amende de 300 euros. La constitution de partie civile de Monsieur X. avait été déclarée recevable et Monsieur Y. avait été condamné à payer à ce dernier la somme de 150 euros au titre des dommages et intérêts.
Monsieur Y. avait alors interjeté appel devant le Cour de Riom laquelle, par un arrêt de sa chambre criminelle du 13 décembre 2018, avait condamné Monsieur Y. à la peine de 300 euros d’amende, pour complicité de la contravention d’émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage.
Monsieur Y. avait alors formé un pourvoi en cassation s’appuyant sur le moyen pris de la violation des articles R. 623-2, alinéas 1er et 3, 121-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale.
Le moyen critiquait l’arrêt attaqué « en ce qu’il [avait] déclaré Monsieur Y. coupable de complicité de la contravention de bruit ou tapage nocturne troublant la tranquillité d’autrui et l’avait condamné à 300 euros d’amende, alors que la complicité de tapage nocturne ne peut se déduire d’une simple abstention et doit résulter de faits personnels, positifs et conscients ; que dès lors, la cour d’appel ne pouvait déclarer Monsieur Y. coupable de complicité après avoir seulement relevé qu’il n’avait pas usé de son autorité pour faire cesser le bruit ».


3°. Décision du juge

Cependant, la Cour de cassation a confirmé la solution rendue par la Cour d’appel de Riom en considérant que, pour déclarer le prévenu coupable de complicité de la contravention de bruit ou tapage nocturne, l’arrêt attaqué avait relevé que les policiers, requis par un voisin, avaient constaté, vers 1 h 10, qu'à l'intérieur du domicile de Monsieur X., ils entendaient de nombreux cris, rires et hurlements de jeunes gens, que ces cris et hurlements étaient susceptibles d'importuner de nombreux riverains et qu’ils provenaient de la maison de Monsieur X.
Les juges d’appel avaient ajouté que ce dernier avait laissé les personnes présentes sous son toit commettre ces désordres, alors que, étant à son domicile, il lui appartenait d'user de son autorité en tant que propriétaire et père de famille pour faire cesser le tapage qui avait duré jusqu'à une heure avancée de la nuit, causant un trouble pour la tranquillité d'autrui.
Ils en en avaient conclu qu’il s’était rendu complice de l'infraction.
En prononçant ainsi, et dès lors que se rendait complice de la contravention de tapage nocturne, la personne qui, présente à son domicile, laisse se perpétrer des bruits troublant la tranquillité d’autrui, la Cour de cassation a estimé que la cour d’appel de Riom avait justifié sa décision.
Elle a, dès lors, rejeté le pourvoi.

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Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 7 mai 2016, vers une heure du matin, les policiers, requis par un voisin, M. Y..., ont constaté que depuis l’intérieur du domicile de ce dernier, ils pouvaient entendre de nombreux cris, rires et hurlements de jeunes gens et que ces cris provenaient du domicile de M. X....
3. Par jugement contradictoire en date du 22 novembre 2017, le tribunal de police de Clermont-Ferrand, statuant sur son opposition à une ordonnance pénale en date du 9 février 2017, a déclaré M. X... coupable de complicité de tapage nocturne et l’a condamné à une amende de 300 euros. La constitution de partie civile de M. Y... a été déclarée recevable et M. X... a été condamné à payer à ce dernier la somme de 150 euros au titre des dommages et intérêts.
4. M. X... a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles R. 623-2, alinéas 1er et 3, 121-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale.
6. Le moyen critique l’arrêt attaqué "en ce qu’il a déclaré M. X... coupable de complicité de la contravention de bruit ou tapage nocturne troublant la tranquillité d’autrui et l’a condamné à 300 euros d’amende, alors que la complicité de tapage nocturne ne peut se déduire d’une simple abstention et doit résulter de faits personnels, positifs et conscients ; que dès lors, la cour d’appel ne pouvait déclarer M. X... coupable de complicité après avoir seulement relevé qu’il n’avait pas usé de son autorité pour faire cesser le bruit".
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer le prévenu coupable de complicité de la contravention de bruit ou tapage nocturne troublant la tranquillité d’autrui, l’arrêt attaqué relève que les policiers, requis par un voisin, ont constaté, vers 1h10, qu’à l’intérieur du domicile de M. Y..., ils entendaient de nombreux cris, rires et hurlements de jeunes gens, que ces cris et hurlements étaient susceptibles d’importuner de nombreux riverains et qu’ils provenaient de la maison de M. X....
8. Les juges ajoutent que ce dernier a laissé les personnes présentes sous son toit commettre ces désordres, alors que, étant à son domicile, il lui appartenait d’user de son autorité en tant que propriétaire et père de famille pour faire cesser le tapage qui a duré jusqu’à une heure avancée de la nuit, causant un trouble pour la tranquillité d’autrui.
9. Ils en concluent qu’il s’est rendu complice de l’infraction.
10. En prononçant ainsi, et dès lors que se rend complice de la contravention de tapage nocturne, la personne qui, présente à son domicile, laisse se perpétrer des bruits troublant la tranquillité d’autrui, la cour d’appel a justifié sa décision.
11. Dès lors, le moyen ne saurait être accueilli.
12. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme ;
PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ;




jeudi 6 février 2020

547 : QPC incidente - renvoi au cc Cass, Civ 3, du 6 fev 2020, N° de pourvoi: 19-19503 Publié

Cour de cassation 
chambre civile 3 
Audience publique du jeudi 6 février 2020 
N° de pourvoi: 19-19503 
Publié au bulletin Qpc incidente - renvoi au cc

M. Chauvin (président), président 
SCP Alain Bénabent , SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat(s) 



Texte intégral



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2020

Par mémoire spécial présenté le 15 novembre 2019, la société A D-Trezel, société civile, dont le siège est [...] , a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° S 19-19.503 formé contre l'arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans une instance l'opposant à Mme L... Y..., épouse O..., exploitant en son nom personnel une officine de pharmacie sous l'enseigne Pharmacie Emrik, domiciliée [...] .



Faits et procédure

1. La société A D-Trezel est propriétaire d'un local à usage commercial donné à bail à Mme Y..., lequel a été renouvelé le 1er juillet 2016, après un précédent renouvellement le 16 septembre 2008.

2. Sur la demande de Mme Y... en fixation du prix du bail renouvelé au 1er juillet 2016 et sur la demande reconventionnelle de la société A D-Trezel tendant à ce que la loi du 18 juin 2014 et son décret d'application soient déclarés non applicables au contrat renouvelé, la cour d'appel a dit que les articles L. 145-16-1, L. 145-16-2, L. 145-40-1 et L. 145-40-2 du code de commerce, issus de la loi du 18 juin 2014, l'article L. 145-34 du même code, tel que modifié par cette loi, et les articles 6 et 8 du décret du 3 novembre 2014 étaient applicables au bail renouvelé et a écarté le motif de déplafonnement tenant à la modification des obligations respectives des parties découlant de l'application des nouvelles dispositions légales et réglementaires.

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

3. A l'occasion du pourvoi formé contre cette décision, la société A D-Trezel a, par mémoires distincts, posé les deux questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :

« 1°/ Les dispositions des articles L. 145-16-1, L. 145-16-2, L. 145-40-1 et L. 145-40-2 du code de commerce et de l'article L. 145-34 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, en ce qu'elles sont applicables aux contrats de bail commercial renouvelés postérieurement à leur entrée en vigueur, mais qui avaient initialement été conclus sous le régime antérieur, portent-elles à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, en méconnaissance des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ? »

« 2°/ a) Les dispositions du premier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, en ce que, appliquées aux contrats de bail commercial renouvelés postérieurement à leur entrée en vigueur, mais qui avaient initialement été conclus sous le régime antérieur, elles conduisent à une modification de l'indice servant de base au calcul du plafond du loyer en renouvellement, portent-elles à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, en méconnaissance des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et méconnaissent-elles le droit de propriété, tel qu'il est protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ?

b) Les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, en ce qu'elles sont applicables aux contrats de bail commercial renouvelés postérieurement à leur entrée en vigueur, mais qui avaient initialement été conclus sous le régime antérieur, portent-elles à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, en méconnaissance des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et méconnaissent-elles le droit de propriété, tel qu'il est protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ? »

Réponse de la Cour

4. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui porte tant sur l'application, au bail renouvelé, des articles L. 145-16-1, L. 145-16-2, L. 145-40-1, L. 145-40-2 du code de commerce, issus de la loi du 18 juin 2014, et des modifications apportées par cette loi à l'article L. 145-34 du même code que sur la fixation du loyer.

5. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

7. Ces questions, en ce qu'elles invoquent une atteinte à l'économie des contrats légalement conclus, ne présentent pas un caractère sérieux.

8. D'abord, la règle selon laquelle le bail commercial est renouvelé aux clauses et conditions du bail expiré ne s'applique pas au loyer qui est fixé selon les dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce. Les modifications apportées par la loi du 18 juin 2014 à ce dernier texte, relatives au calcul du prix du bail renouvelé en cas de plafonnement et à l'étalement de la hausse en cas de déplafonnement, appliquées aux baux renouvelés, ne créent donc aucune atteinte au droit au maintien des contrats légalement conclus.

9. Ensuite, la loi du 18 juin 2014 s'applique à tous les contrats conclus ou renouvelés après son entrée en vigueur, sous réserve des dispositions transitoires.

10. L'article L. 145-15 du code de commerce prévoit que les clauses qui sont contraires aux dispositions visées par ce texte, dont certaines sont issues de la loi nouvelle, sont réputées non écrites.

11. Il en résulte que, les baux renouvelés sous l'empire de la loi du 18 juin 2014 devant respecter les prescriptions impératives prévues par le texte précité, des clauses du bail expiré qui étaient conformes au droit en vigueur avant la loi du 18 juin 2014, mais qui se heurtent désormais aux nouvelles dispositions d'ordre public, ne peuvent être maintenues dans les contrats renouvelés. Ainsi, par l'effet de la loi, le bail renouvelé peut ne pas l'être aux mêmes clauses et conditions que le bail précédent.

12. Mais, le bail renouvelé étant un nouveau contrat et non pas la prolongation du contrat précédent, l'application des nouvelles dispositions issues de la loi du 18 juin 2014 aux baux renouvelés ne porte pas d'atteinte aux contrats légalement conclus.

13. La question posée sur la constitutionnalité du premier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce au regard du droit de propriété ne présente pas, non plus, un caractère sérieux.

14. En effet, la suppression de l'indice trimestriel du coût de la construction publié par l'INSEE, remplacé par d'autres indices qui sont en meilleure adéquation avec l'objet des baux, pour la mise en oeuvre du mécanisme légal de fixation du prix du bail renouvelé en cas de plafonnement, lequel ne cause ni atteinte ni dénaturation du droit de propriété du bailleur (3e Civ., 13 juillet 2011, QPC n° 11-11.072), ne porte pas atteinte à ce droit.

15. En revanche, la question posée sur la constitutionnalité du dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014, présente un caractère sérieux en ce que ces dispositions, qui prévoient que le déplafonnement du loyer, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du code de commerce ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente, sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur.

16. En conséquence, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la partie de la seconde question qui porte sur la constitutionnalité du dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce au regard du droit de propriété.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question portant sur la constitutionnalité, au regard du droit de propriété, des dispositions relatives au dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel les autres questions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt.