mardi 14 janvier 1997

434 : Libéralité - Rapport - Libéralité portant sur des fruits, 1ère Chambre civile, 14 janvier 1997

Libéralité - Rapport - Libéralité portant sur des fruits
1ère Chambre civile, 14 janvier 1997 (Bull. n°22, p. 13)

Lorsque de son vivant, un père de famille a logé gratuitement l’un de ses enfants dans un immeuble lui appartenant, cet enfant a-t-il bénéficié d’un avantage particulier dont il doit être tenu compte lors du règlement de la succession pour rétablir l’égalité entre les héritiers ?
C’est cette question classique du caractère rapportable des fruits à la succession de celui qui les a donnés que tranche cet arrêt.
Deux thèses s’affrontent en doctrine. La première soutient que si l’article 856 du Code civil dispense le donataire d’un bien de rapporter les fruits produits par ce bien entre la donation et l’ouverture de la succession, il ne serait pas logique de soumettre au rapport le don portant sur les fruits du bien resté entre les mains du donateur. La seconde s’appuie sur l’article 843 du Code civil qui oblige l’héritier au rapport "de tout ce qu’il a reçu du défunt, par donation entre vifs, directement ou indirectement", ainsi, la seule exception serait liée à la volonté contraire du défunt, le donateur pouvant dispenser du rapport.
C’est cette solution qui est adoptée.
Le bénéficiaire d’une libéralité constituée de fruits - et l’autorisation d’occupation gratuite d’un immeuble constitue, pour le propriétaire, un acte de disposition des fruits de son bien - reçoit un avantage. Il profite d’un logement sans contrepartie. Il doit en rapporter la valeur à la succession pour rétablir l’égalité avec ceux de ses co-héritiers qui n’ont pas bénéficié de la même libéralité.
Reste aux juges du fond à rechercher, dans les circonstances de la cause, si le défunt n’avait pas manifesté une volonté tacite de dispenser du rapport le bénéficiaire d’un tel avantage.

433 : 1ère Chambre civile, 14 janvier 1997, Convention de changement de régime matrimonial

1°) Convention de changement de régime matrimonial homologuée - Fraude - Demande d’annulation par l’enfant d’un des époux
1ère Chambre civile, 14 janvier 1997, (Bull. n° 20, p. 12)

Lorsqu’un tribunal homologue la convention de changement de régime matrimonial présentée par des époux, il s’assure que cette modification est de l’intérêt de la famille dont il fait une appréciation d’ensemble sans, toutefois, être tenu de recueillir l’avis des enfants dont le consentement au changement n’est pas requis par l’article 1397 du Code civil.
De ce que ce texte n’assure qu’aux créanciers des époux une protection spéciale en cas de fraude à leurs droits en les autorisant à former tierce opposition au jugement d’homologation, un arrêt de la 1ère Chambre civile du 9 juillet 1991 (Bull. n° 238, p.158 ; Rapport annuel, 1991, p. 254) a déduit que cette voie de recours n’était pas ouverte aux enfants des époux.
La rigueur de cette solution est atténuée par le présent arrêt qui permet que la convention de changement de régime matrimonial soit annulée pour les causes qui lui sont propres, ce qui autorise l’enfant à agir en nullité lorsque les époux ont frauduleusement dissimulé son existence au tribunal.
L’homologation laisse en effet subsister le caractère contractuel de la convention matrimoniale et le jugement ne statue sur rien d’autre que sur cette homologation. On ne retrouve donc pas l’indivisibilité qui existe entre l’homologation de la convention définitive et le prononcé du divorce sur demande conjointe des époux, laquelle a conduit à refuser l’action en rescision pour lésion de la convention définitive (Civ. 2, 6 mai 1987, Bull. n°103).
Ainsi, la convention, fût-elle homologuée, peut-être annulée. L’homologation du juge ne la purge pas de tous les vices dont elle pouvait être atteinte lors de sa formation.
En l’espèce, le vice allégué était particulier puisqu’il consistait à avoir dissimulé l’existence d’un enfant naturel du mari. Il est probable que les époux entendaient, en adoptant un régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant, porter atteinte aux droits de réservataire de cet enfant, qui était plus âgé que l’épouse de son père, mais une telle atteinte peut n’être pas frauduleuse. Mais, parce que le contrôle du juge sur l’intérêt de la famille en avait été nécessairement affecté, une fraude existait et l’enfant avait qualité pour s’en prévaloir.