vendredi 6 octobre 2006

404 : Ass. plén., 6 octobre 2006, Dommage causé par un manquement contractuel. Obs. CC


Le 6 octobre 2006, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a rendu un arrêt connu sous le nom d’arrêt Boot shop ou Myr’ho (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) par lequel elle retenait que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle - Dommage - Réparation - Obligation - Bénéficiaires -Tiers à un contrat - Conditions - Dommage causé par un manquement contractuel. 
(Assemblée plénière, 6 octobre 2006, Bull n° 9, p. 23, BICC n° 651, p. 40, rapport de M Assié et avis de M. Gariazzo) 
Depuis plusieurs années une controverse s’était développée sur les conditions d’exercice de l’action en responsabilité du tiers, victime de l’exécution défectueuse d’un contrat. Un premier courant jurisprudentiel, représenté essentiellement par la chambre commerciale de la Cour de cassation, appuyée par la doctrine majoritaire, considérait, dans le premier état de sa jurisprudence, "qu’un tiers ne peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir de l’inexécution d’un contrat qu’à la condition que cette inexécution constitue un manquement à son égard au devoir général de ne pas nuire à autrui" (Com., 5 avril 2005, Bull., IV, n° 81). Un courant jurisprudentiel beaucoup plus nourri que le précédent, bien que soutenu par une doctrine minoritaire, paraissait s’en tenir à une approche purement unitaire des fautes contractuelles et délictuelles, ou plus largement, des manquements contractuels ou délictuels. C’est ainsi que la première chambre civile de la Cour de cassation retenait que "les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur cause un préjudice" (1re Civ., 15 décembre 1998, Bull., I, n° 368) et que, franchissant un pas de plus, elle avait ajouté à cet "attendu" de principe "sans avoir à rapporter d’autres preuves" (1re Civ., 18 juillet 2000, Bull., I, n° 221 ; 1re Civ., 13 février 2001, Bull., I, n° 35). Les deuxième et troisième chambres civiles avaient adopté des positions voisines (2è Civ., 23 octobre 2003, Bull., II, n° 330 ; 3è Civ., 6 janvier 1999, Bull., III, n° 3). L’assemblée plénière de la Cour de cassation, même si la question ne lui avait pas été directement posée, paraissait s’être aussi ralliée à ce courant jurisprudentiel dans l’arrêt "Perruche" (Assemblée plénière, 17 novembre 2000, Bull. ass. plén., n° 9), ainsi que dans trois arrêts subséquents précisant les conditions d’indemnisation des tiers victimes de fautes médicales (Assemblée plénière, 13 juillet 2001, Bull. ass. plén., n° 10).


En posant pour principe que "le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage" l’arrêt rendu par l’assemblée plénière le 6 octobre 2006 met fin à ces incertitudes.
Cet arrêt est riche d’enseignements à plusieurs titres.
Tout d’abord, en rappelant le fondement délictuel de l’action du tiers, victime de l’exécution défectueuse d’un contrat, il invite les juges du fond à rechercher, sous le contrôle de la Cour de cassation, si les conditions d’une telle responsabilité se trouvent bien réunies. Autrement dit, le juge devra s’assurer, au cas par cas, de l’existence d’un fait générateur de responsabilité (faute, ou plus largement, manquement à une obligation de résultat), de la réalité du dommage allégué et du lien de causalité entre le manquement contractuel et le dommage causé aux tiers.
Mais au-delà de cette recherche traditionnelle imposée aux juges du fond, l’arrêt permet de prendre en considération la portée à l’égard des tiers de l’obligation transgressée par le contractant. Il est, en effet, des obligations souscrites au profit du seul contractant dont le tiers n’a pas vocation à bénéficier et tel est le cas de l’obligation de non concurrence qui ne profite en principe qu’au créancier de cette obligation. Mais cette même obligation peut, dans certains cas particuliers, concerner un tiers qui devient ainsi "tiers intéressé" et tel était le cas dans l’espèce soumise à l’assemblée plénière où le locataire-gérant exploitait son fond de commerce dans des locaux appartenant au bailleur de sorte qu’il pouvait se prévaloir des défaillances de celui-ci dans l’entretien de l’immeuble. Enfin, il est des obligations qui, en raison de leur objet, dépassent le seul enjeu contractuel et qui, en tant que telles, sont susceptibles d’intéresser tous les tiers des lors qu’ils ont eu à souffrir de leur transgression. Tel est le cas d’une obligation de sécurité de résultat. Il en résulte que la portée de l’obligation transgressée conditionnera l’existence du fait générateur de responsabilité à l’égard des tiers.
Le troisième enseignement que l’on peut tirer de cet arrêt est de la faute, ou le manquement, dérive toujours du contrat. Ce qui revient à dire qu’il n’y a pas de dualité de faute car c’est la même faute, ou le même manquement, qui est susceptible d’être invoqué par l’un des contractants ou par le tiers, sauf que lorsque le manquement est invoqué par un tiers, il prend que ce seul fait une coloration délictuelle de sorte que le principe de l’effet relatif des conventions posé par l’article 1165 du code civil se trouve ainsi préservé.

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