mardi 15 mars 2016

91: L’extraction des dents sans une nécessité évidente ou un danger immédiat, note sous CA Caen 15 dec 2015, par CNSD

Un chirurgien-dentiste a arraché 17 dents d’une victime

La cour d’appel de Caen par un arrêt du 15 décembre 2015 n° 14/01297


Après des extractions multiples et des prothèses transitoires amovibles qu’il ne supporte pas, un patient met en cause la responsabilité civile de son chirurgien-dentiste. Si le traitement mis en oeuvre avait pourtant tenu compte de sa situation professionnelle et des difficultés d’un suivi efficace de toute thérapeutique conservatrice, il n’avait pas donné lieu à une information préalable suffisante. Analyse de l’arrêt de la cour d’appel de Caen du 15 décembre 2015, n° 14/01297

Les faits

Monsieur B. exerce la profession de chauffeur routier. Victime d’une infection dentaire en novembre 2004, il consulte le docteur P. qui réalise une radiographie panoramique et tente une approche globale de la situation dentaire du patient, sans pour autant établir un bilan clinique précis, notamment par une évaluation circonstanciée des structures parodontales. L’activité professionnelle du patient, constamment en déplacement, interdit tout suivi régulier. Une thérapeutique parodontale conservatrice paraît donc, en toute logique, difficile à mettre en œuvre. Cette difficulté matérielle d’observance est évoquée par le patient qui exprime le désir de ne conserver aucune dent pouvant nécessiter des soins ultérieurs.Le chirurgien-dentiste propose, suivant un devis présenté en mai 2005, l’extraction de toutes les dents et leur remplacement par des prothèses amovibles complètes transitoires immédiates. Un 2e devis est établi pour les prothèses définitives, complète supérieure et subtotale (11 dents) inférieure. 

Les difficultés s'annoncent, les intervenants se multiplient

L’extraction des dents sous anesthésie générale est programmée pour le 2 septembre 2005, mais, confronté à des difficultés techniques, le chirurgien-dentiste ne réalise que l’extraction des dents supérieures. Les dents mandibulaires (sauf 33-34 et 43) sont extraites le 29 septembre 2005, également sous anesthésie générale. Trois semaines plus tard, les prothèses transitoires sont posées et le patient paie les honoraires prévus (920 € ).Mais, ne supportant pas les prothèses amovibles, monsieur B. consulte d’autres chirurgiens-dentistes, se plaignant également d’une dépression des joues consécutives aux extractions.Une solution implantaire est envisagée en septembre 2006 pour compenser l’édentation maxillaire et soutenir les joues ainsi qu’une lipostructure. Le docteur G. réalise l’extraction d’une racine résiduelle au maxillaire (18  ou 17) et un approfondissement vestibulaire maxillaire bilatéral. Le docteur D. est consulté en novembre 2007 pour une réhabilitation dentaire implanto-portée au maxillaire. Le patient revient, en février 2008, vers le docteur P. qui lui établit un devis pour des bridges implanto-portés. Il avait toujours les prothèses amovibles transitoires. 

Sur le principe de la responsabilité

Selon l’expert, les extractions n’étaient pas médicalement justifiées pour 17 des dents en raison de l’état antérieur. Il retient également qu’il n’existe aucune preuve de l’information qui aurait été délivrée à monsieur B. en dehors du devis de prothèse. L’expert conclut que les actes dispensés ne peuvent être considérés comme attentifs et conformes aux données acquises de la science et que l’information délivrée au patient sur les risques et les conséquences liés à une édentation subtotale était insuffisante.Le TGI de Coutances déboute néanmoins le patient de ses demandes, tout en constatant le défaut d’information. L’affaire est ainsi portée devant la cour d’appel de Caen, qui reforme le jugement.En suivant les conclusions de l’expert, la cour retient que l’extraction de 17 dents n’était pas médicalement justifiée. Le docteur P. n’a pas non plus apporté la preuve qui lui incombe d’avoir informé le patient tant des risques encourus lors d’une édentation totale que de ses conséquences fonctionnelles. 

Le consentement préalable ne vaut que si l'acte est médicalement justifié

À côté des appréciations médicales, la cour d’appel relève que l’information délivrée était insuffisante, le docteur B. n’apporte pas la preuve qu’il a renseigné le patient sur « les risques et conséquences liés à une édentation subtotale. » Le patient subit un dommage auquel il n’a pas pu se préparer faute d’une information claire et détaillée lui permettant de « saisir le caractère amovible » des prothèses provisoires.Et même si le patient reconnaît avoir demandé l’extraction de toutes ses dents, il « n’a peut-être pas voulu comprendre les conséquences d’une édentation totale ». En tout état de cause, « aucun consentement éclairé ne peut être retenu s’agissant pour le praticien d’accéder à une demande d’acte non médicament justifiée ». Ainsi, les magistrats concluent à des « défaillances fautives » du docteur P. engageant sa responsabilité : il n’a pas suffisamment éclairé le patient et l’indication médicale des extractions était contestable (voir ci-dessous). 

Le préjudice « hypothétique »

Tel que constaté par la Cour, le dommage comprend à la fois les conséquences de la faute et les conséquences du défaut d’information, en tenant compte de l’état antérieur. Comme suite thérapeutique, l’expert avait préconisé la seule solution de prothèse amovible. Il avait écarté la solution implantaire, compte tenu du refus en 2005 par le patient de soins dentaires de maintenance, et de la contre-indication des greffes osseuses, préalable indispensable à la pose des implants. Mais les magistrats caennais estiment que « pour les 17 dents arrachées sans indication médicale, seule la solution implantaire est de nature à replacer M. B. dans la situation qui aurait été la sienne en l’absence de faute, et aucun état antérieur ne peut lui être opposé » !Le coût de cette solution, estimé à 43 592,07 € , lui est donc alloué au titre des dépenses futures, même s’il ne réalise pas le traitement. En y ajoutant les autres préjudices (souffrances endurées, préjudice moral pour défaut d’information), la cour condamne le docteur P. à payer la somme de 52 092,07 €  ! 

L'exigence indiscutable du droit à l'information

Il est difficile à la lecture de l’arrêt rendu par la cour d’appel de déterminer ce qui a emporté la conviction du juge, et de distinguer, dans l’extraction non médicalement justifiée de 17 dents, ce qui caractérise une faute de ce qui constitue un défaut d’information du patient.Cet arrêt dont nous ignorons s’il a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation semble s’appuyer sur ces deux notions, généralement dissociées, pour fixer l’étendue de la réparation.En effet, si la faute oblige à réparer l’intégralité du préjudice subi, le défaut d’information s’analyse comme une perte de chance de consentir à l’acte pratiqué et ne donne donc pas nécessairement lieu à une réparation intégrale du préjudice.Cet arrêt illustre la sévérité des juges civils à l’égard des professionnels quant à la nécessité de l’information préalable des patients. Ils reflètent à cet égard la tendance jurisprudentielle actuelle. 

Toutefois, il devra informer dans les deux hypothèses le patient des conséquences de sa décision et garder la preuve de cette information. L'écrit s'impose pour confirmer les explications 

d'après cnsd.fr

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Il faut faire toujours attention avec les conseils des médecins, il ne faut pas obéir à tous les avis des chirurgiens. Suis Ton Cœur. Parfois les conseils des médecins se sont basés sur des motifs financiers ou pour examiner la personne malade dans le cadre d’un enseignement clinique. 
La vie m’apprit si tu as écouté quelqu’un en train de dire des mensonges qui pourront te commettre un préjudice, il ne faut pas garder le silence, défend toi. Le silence dans ce cas est une faute grave. 
La vie m’apprit, si tu as un rendez-vous, où tu vas subir une atteinte à ton intégrité physique, ne respecte pas ce RDV mille fois, et laisse les autres disent ce qu'ils veulent. 

Mohammed Bellamallem

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Caen, dent, dentiste, extraction, 




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