mercredi 21 mars 2018

142 : Respect de la vie privée et liberté d'expression : Cass, 1re civ. 21-03-2018, n° 16-28741,

Respect de la vie privée et liberté d'expression : recherche de l'intérêt le plus légitime
Dans le numéro 3377, du 6 au 12 février 2014, du magazine Paris Match, la société Hachette Filipacchi associés (la société) a publié un article, accompagné de photographies, relatant le mariage religieux de M. A. C. et de Mme T. S. D. et le baptême de leur fils Alexandre, dit Sacha, ces deux événements s'étant déroulés quelques jours plus tôt, à Gstaad. Invoquant l'atteinte portée à leurs droits au respect dû à leur vie privée et à leur image, M. et Mme C., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur, ont assigné la société pour obtenir réparation de leurs préjudices, ainsi que des mesures d'interdiction et de publication.
Pour accueillir partiellement les demandes de M. et Mme C., après avoir énoncé que leur mariage religieux et le baptême de leur fils revêtaient un caractère privé, une cour d'appel avait retenu qu'un tel mariage n'a pas eu d'impact au regard du rôle tenu par les intéressés sur la scène sociale et qu'aucun événement d'actualité ou débat d'intérêt général ne justifient qu'il soit porté atteinte à leur vie privée.
Cependant, le droit au respect de la vie privée et le droit au respect dû à l'image d'une personne, d'une part, et le droit à la liberté d'expression, d'autre part, ont la même valeur normative. Il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que, pour procéder à la mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH 10 nov. 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c/ France, n° 40454/07, § 93). La définition de ce qui est susceptible de relever de l'intérêt général dépend des circonstances de chaque affaire.
D'où il suit qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères, et, notamment, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le public avait un intérêt légitime à être informé du mariage religieux d'un membre d'une monarchie héréditaire et du baptême de son fils, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 9 du code civil  (Arrêt rendu par Cour de cassation, 1re civ. 21-03-2018, n° 16-28741 (n° 309 FS-P+B)).

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