D) CONFLIT DE LOIS
Statut civil de droit local (article 75 de la Constitution) - Application
1ère Chambre civile, 25 février 1997 (Bull. n° 67)
Cet arrêt illustre la situation créée par l’article 75 de notre
Constitution qui permet à des Français d’être soumis à un statut civil de droit
local les faisant échapper au droit commun, droit local qui peut en être fort
différent, voire en contradiction avec la conception du code civil de l’ordre
public.
Un français de Mayotte décède en laissant deux épouses et leurs quatorze
enfants. Le partage intervenu entre eux est contesté par quatre personnes qui
prétendent venir à la succession. Le tribunal supérieur d’appel de Mamoudzou
leur donne raison en retenant, par application des règles du code civil, que
leur filiation est établie, d’une part, parce que les actes d’état civil
indiquent que trois d’entre elles sont les fils du défunt et ont une possession
d’état d’enfant légitime et, d’autre part, parce qu’une autre a la même
possession d’état à raison du mariage intervenu entre sa mère et le défunt.
Cette décision est cassée parce que le tribunal a appliqué le droit civil à
la cause sans constater que les parties avaient renoncé à leur statut personnel
qui, en l’espèce, s’agissant de Français de Mayotte, les faisait relever du
droit musulman. Ainsi, sauf à constater une telle renonciation, la question de
leur vocation héréditaire devait être examinée au regard des règles du droit
musulman applicable.
La Constitution, en son article 75, imposait donc l’application du droit
musulman. Or, celui-ci ne permet pas l’établissement d’une filiation paternelle
en dehors d’une union légitime. Ainsi, le tribunal, à qui il était interdit de
se fonder sur les règles du code civil, ne pouvait pas affirmer que tous les
enfants nés du défunt avaient une vocation successorale. Il devait rechercher
s’ils étaient nés d’une union régulière, sans pouvoir éluder cette recherche au
motif que le droit musulman autorise la polygamie. En effet, si plusieurs
unions légitimes simultanées sont autorisées, il n’est pas exclu pour autant
que des naissances se produisent hors mariage.
La question ne portait pas directement sur la possibilité d’établir la
filiation des intéressés. On remarquera, cependant, que la Cour de cassation a
jugé que la conception française de l’ordre public international s’oppose à
l’application de la loi étrangère qui priverait l’enfant français ou résidant
habituellement en France du droit d’établir sa filiation (1ère Chambre civile,
10 février 1993, Bull. n° 64, p. 12 ; Bull. n° 64, p. 42 ;
Rapport annuel 1993, p. 239). Or, c’est bien l’effet produit par l’application
du droit musulman. Reste que, d’une part, cette situation résulte de la loi
constitutionnelle elle même, et, d’autre part, que les intéressés ont la
faculté de renoncer à leur statut personnel pour se soumettre au statut civil
de droit commun. Enfin, s’agissant de la question en litige, la vocation
successorale, il est intéressant de rappeler qu’il a été jugé que la vocation
successorale est étrangère au respect de la vie privée et familiale dont le
droit est reconnu par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales (1ère Chambre civile, 25 juin
1996, Bull. n° 268, p. 188).
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