jeudi 20 décembre 2018

321 : Les grands axes de réforme de la justice, par Fabien Girard de Barros




3. Les grands axes de réforme de la justice, 

par Fabien Girard de Barros

Last mais sans doute not least, les axes de réforme des chantiers de la Justice du présent Gouvernement viennent d'être dévoilés... sans grande surprise à dire vrai.
Sans grande surprise, parce que la philosophie de ces réformes, civiles et pénales, innervaient les travaux de la Justice du 21ème siècle, alias J21, les multiples rapports plus ou moins alarmistes sur l'état (surtout statistique) de notre Justice, quand les axes présentés ne sortent pas tout droit de l'air du temps, de l'esprit de transparence, de simplification comme celui de la legal-tech.
Ce qui ne veut pas dire que les propositions formulées par la ministre de la Justice cèdent au modernisme. Bien au contraire elles tentent d'accélérer la mainmise du positivisme juridique sur toutes les strates de la Justice et du Droit, pour échapper aux rythmes calendaires trop prudents des précédentes grandes réformes (40 ans pour la procédure civile pour aboutir au NCPC en 1975 ; trente ans pour les obligations et les contrats pour aboutir à la réforme de 2016). Positivisme juridique de Kelsen ou de Motulsky, les deux maîtres à penser de la philosophie du droit, fort peu contestés, depuis l'après-guerre, sont donc à l'honneur.
Soit. La Justice se déclinera donc sous les hospices de trois qualificatifs lourds de sens et de conséquences : une Justice digitale, une Justice de professionnels, une Justice sans peine.</introduction>
Attention, la justice digitale n'est pas la justice dématérialisée : la première dépasse de loin la seconde, même si elle en est étroitement dépendante. Le dépôt de plaintes en ligne, la constitution de partie civile, notamment par voie dématérialisée, et la saisine de la juridiction en ligne au civil, accompagnée d'une mise en état dynamique des affaires, c'est autrement plus consubstantiel à l'idée de Justice que d'instaurer un dossier unique au pénal, du recueil de la plainte au jugement ou d'ouvrir à l'ensemble des parties la possibilité de suivre par voie dématérialisée l'avancée de la procédure et de connaître le calendrier fixé pour leur affaire. Encore qu'il faille, au préalable, mettre en place une plateforme d'échange des documents volumineux qui assurera une totale traçabilité des échanges, comme nous le rappelle prosaïquement Nicole Belloubet.
C'est une chose d'accéder par voie digitale (une évidence aujourd'hui) à l'information et de faciliter les échanges comme sous l'égide du RPVA ou des conventions conclues entre professionnels du droit et juridictions, et d'ouvrir l'action en justice, c'est-à-dire la demande de reconnaissance d'un droit subjectif, l'essence même de la Justice, à... une boîte noire, algorithmique, gérée par le service public de la Justice ou un délégataire privé issue peut-être de cette legal-tech tant courtisée (dixit "la vision prospective qui s'appuie de manière raisonnée sur les legal-tech, notamment dans le domaine de la médiation en ligne") ? Le paroxysme étant la déshumanisation de la Justice au nom de l'efficacité procédurale par la création d'une juridiction unique dématérialisée du traitement des demandes des injonctions de payer.
Bien entendu, on peut se féliciter de vouloir favoriser l'accès à la justice en érigeant une justice sans juge, "en recentrant le juge et le greffe sur les tâches qui justifient l'intervention de l'autorité judiciaire" nous livre le dossier de presse (en déjudiciarisant certaines procédures, l'ambition est claire ; en développant les règlements amiables des différends [Modes Alternatifs de Règlement des Différends - MARD], à tous les stades de la procédure, la consécration est de mise). Après tout le rapport "Canivet" ne promouvait rien d'autre : "un certain nombre de litiges de la vie courante, simples, répétitifs et de faible montant" doivent "être jugés par des moyens électroniques ?: la formulation des demandes, la production des preuves et des mémoires, et même éventuellement le jugement, rendu et exécuté en ligne". Une telle option, si elle devait être retenue, déboucherait sur une refonte des attributions des lieux de justice : "Lorsque la comparution physique n'est pas indispensable, la proximité géographique de la juridiction n'est plus nécessaire", concluait le Haut magistrat.
Mais, la digitalisation c'est aussi la simplification du financement du procès en permettant de demander en ligne l'aide juridictionnelle afin d'accélérer son obtention tout en maintenant, pour les publics les plus fragiles, la possibilité de déposer un formulaire papier. En même temps... conférer désormais les modalités d'appréciation du dossier par le bureau de l'aide juridictionnelle et la gestion de la masse des demandes.
Finalement, comme pour mieux suivre les théories d'Henri Motulsky, l'action en justice se résume bien, non pas à obtenir la Justice -car la Justice sans juge n'existe pas-, mais bien à obtenir une décision de justice ; la nuance est d'importance, alors que le théoricien du droit concluait par "l'action en justice est un droit subjectif, dont le sujet passif est le juge". Qu'est-ce que la digitalisation universelle de la Justice si ce n'est la passivité du juge ?
Une passivité qui peut même confiner à son absence revendiquée. C'est la mise en place d'un mécanisme de verbalisation pour certains délits comme l'usage des stupéfiants, sur la base d'une amende forfaitaire délictuelle : en clair la forfaitisation de la sanction pénale. C'est la conclusion d'une transaction financière avec le suspect sans qu'il soit nécessaire de solliciter ensuite une homologation par un juge du siège. Quid du respect des droits de la défense, de l'équilibre infraction /sanction, de l'erreur manifeste d'appréciation ? Quid de la justice pénale rendue par un juge, tout simplement ? C'est encore l'extension du juge unique, notamment en appel et la simplification de la répartition entre collégialité et juge unique devant le tribunal correctionnel : réduire le nombre de juges sollicités par affaire ne procède pas d'une simple logique comptable (moins de juges par affaire = plus de juges pour plus d'affaires) ; mais relève là-aussi d'une logique positiviste. Puisque le rôle du juge, digitalisé ou non, est d'appliquer la règle de droit en tant que prescription normative (habilitation/interdiction/autorisation/obligation), sans que le moindre jugement de valeur y soit porté (exit le "juste" ou "injuste", la "bonne" ou "mauvaise" norme) -ça c'est pour la Justice selon Kelsen-, à quoi bon avoir plusieurs juges pour faire l'exégèse des textes et appliquer une norme de plus en plus précise, experte, qui laisse de moins en moins cours à l'interprétation, surtout quand c'est l'Etat qui interprète ses normes par la profusion de circulaires, à un dossier transformé en métadonnées ?
La sécurité, l'absence d'aléa : c'est cela une Justice de professionnels.
L'expérimentation d'un tribunal criminel départemental composé de magistrats professionnels pour accélérer le jugement des affaires criminelles : c'est la grande affaire de la réforme selon les journalistes. Cacher ce jury populaire que l'on ne saurait écouter : d'aucuns crient au mépris de la vox populi, d'autres à l'efficacité et au pragmatisme face à une correctionnalisation rampante des crimes, par peur des soubresauts populaires et d'une durée fantasque des procédures d'assise. Il est loin le temps où l'on voulait expérimenter à l'inverse l'introduction des jurys... au correctionnel ; les tribunaux de Dijon et de Toulouse ayant mis fin à l'expérimentation lancée en 2010 par Nicolas Sarkozy et jugée trop coûteuse par la Chancellerie. Ah, nous y voilà... une logique d'efficacité, de pragmatisme, mais aussi une logique comptable soutirerait au Peuple, sa dernière parcelle de souveraineté directe en matière de Justice. Le jury populaire, avec la Révolution française, c'était la fin de l'arbitraire, des lettres de cachet... le tribunal criminel, c'est la professionnalisation absolue de la Justice et, qu'on le veuille ou non, une manière de dire : la loi précède le droit, alors merci bonnes gens de ne pas interférer dans son interprétation et dans son application. Encore le positivisme juridique à l'oeuvre contre un jusnaturalisme trop prégnant chez les jurés. De là à parler de méfiance envers le jugement populaire...
Supprimer le litige, c'est aussi supprimer l'aléa : le développement de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou la possibilité de ne faire appel que sur le quantum de la peine devant les cours d'assises... Ne pas remettre en cause la décision d'un magistrat sur le fond, par le peuple. Responsabiliser les parties en inscrivant leur instance dans des délais prévisibles, permettre de fixer dès le premier rendez-vous judiciaire, lorsque les avocats auront fait le choix d'une procédure participative, la date de fin de procès : encadrer le procès, mieux enfermer pour rendre la Justice plus vite.
Professionnaliser la justice, c'est aussi reconnaître que le juge n'est pas forcément expert à protéger le plus faible dans certaines circonstances : c'est la modernisation du contrôle du juge sur les actes concernant les majeurs sous tutelle en le concentrant sur les actes aux conséquences les plus lourdes et en confiant la vérification des comptes de gestion à des professions réglementées (experts comptables, huissiers, notaires) quand le patrimoine le justifie. Qu'on enlève au juge ces tâches d'audit qui ne relèvent ni de sa formation, ni de sa participation à l'Oeuvre de justice. Une fois encore tout sera dans la nuance et le périmètre de compétence ou d'incompétence.
La justice de professionnels, c'est aussi reconnaître la complexité du droit et par conséquent son application. Aussi, cette complexification même de la matière oblige à ce que les professionnels (les magistrats) se spécialisent eux-mêmes : il pourra y avoir des expérimentations à l'échelon régional pour que des premiers présidents et des procureurs généraux puissent assurer, dans le respect de l'indépendance juridictionnelle, des fonctions d'animation et de coordination pour plusieurs cours d'appel situées dans une même région. De la même manière, certains contentieux civils spécialisés pourraient être regroupés dans une cour d'appel qui traiterait de ce contentieux pour l'ensemble de la région. Les procureurs généraux et les premiers présidents des cours d'appel pourront proposer la création de pôles spécialisés dans un tribunal de grande instance qui traitera d'un contentieux civil ou pénal pour l'ensemble du département. Etendre la représentation obligatoire pour que les justiciables soient défendus par des avocats dans les matières les plus complexes juridiquement et en appel, tout en maintenant la possibilité pour les justiciables de saisir le juge sans avocat pour les litiges du quotidien et notamment les litiges portant sur un enjeu inférieur à 10 000 euros : c'est aussi ménager complexité et gestion des small cases.
Et puisque le positivisme commande le dogme de l'infaillibilité du magistrat, ou presque, la suite logique était de reconnaître le caractère exécutoire de la décision de première instance pour que les décisions de justice s'exécutent rapidement. Pas d'aléa interprétatif, suprématie de la loi appliquée à un dossier rondement intégré à une base de données : CQFD. Quid des statistiques d'infirmation en appel (réponse avec les nouveaux outils dit de prédictivité) ? Quid des conséquences irréparables pour celui qui succombe en première instance ?
Enfin, la Justice doit être "sans peine" ; non pas que la justice pénale doive être amputée de tout idée de sanction ; mais il faut repenser cette idée de sanction pénale, et singulièrement le rôle de la prison, au regard de la surpopulation carcérale et de la radicalisation des prisonniers qui font de la prison un foyer de la récidive.
"Le châtiment est passé d'un art des sensations insupportables à une économie des droits suspendus" écrivait Michel Foucault, dans Surveiller et punir. Le philosophe croyait ainsi opposer l'ordalie moyenâgeuse et le rouet royal à la vue de tous, à la seule privation de liberté constitutive de la peine de prison. C'est que la prison est devenue, 40 ans plus tard, une "sensation" elle-même insupportable (la surpopulation moyenne est de 140 % dans les maisons d'arrêt avec, pour certains établissements, des taux atteignant les 200 %). Aussi, pour dégrossir les rangs des prisonniers parqués au mitard et tendre vers l'encellulement individuel pour atteindre un taux de 80 %, il n'y a que deux options, toutes deux célébrées par la future réforme : diminuer le nombre de peines d'emprisonnement et construire de nouvelles places pénitentiaires.
Pudiquement on parlera de "redonner du sens à la peine" : en développant les peines autonomes et alternatives et en facilitant les conditions de leur prononcé ; en évitant les courtes peines, en prohibant le prononcé des peines inférieures ou égales à un mois ferme et en prévoyant que, sauf exception, les peines de moins de six mois s'exécuteront hors des établissements pénitentiaires ; en fusionnant la contrainte pénale et le sursis avec mise à l'épreuve en conservant le meilleur de chacun de ces deux régimes. A l'autre bout de la chaîne, il faut améliorer les conditions de détention en développant le travail et la formation et lancer un programme équilibré qui doit permettre de disposer de 7 000 places supplémentaires en 2022 et d'avoir engagé la construction de 8 000 autres pour des livraisons d'ici 2027. Voilà... comment, avec quel financement ? Suivant quelle étude d'impact ? On ne saurait dire pour le moment.
"Il faut redonner toute sa place au débat sur la peine en permettant au tribunal de faire un choix éclairé avec le renforcement des enquêtes de personnalité et en lui permettant de se prononcer sur les conditions d'exécution et d'aménagement de la peine" : ah ! Moins de place pour l'exégèse de la loi et pour la suprématie normative. On socialise le débat pour là encore éviter l'incarcération improductive, voire dangereuse en matière de récidive, et... coûteuse.
Eviter les sorties sèches, en rendant systématique la libération sous contrainte au 2/3 de la peine sauf décision contraire du JAP, pour les peines de moins de cinq ans d'emprisonnement. Même raisonnement... même peine.
On sait que la prison comme lieu d'enfermement, de privation de liberté est un accident de l'Histoire. La peine de mort, les galères, le bagne étaient la norme jusqu'au XXème siècle ; l'amende ou l'assignation à résidence faisaient déjà office de sanctions pénales communes au Moyen-Age ! Donc rien de nouveau sous le soleil. Mais la prison moderne est d'abord une entreprise de culpabilisation travaillant les consciences individuelles à travers un regard tout-puissant, celui du maton, toujours selon Michel Foucault. Il faut reconnaître que le regard tout-puissant est aujourd'hui empreint d'aveuglement si l'on en croit les trafics en tout genre qui se développent dans nos prisons ; il faut reconnaître que le tout-puissant change même de nature si l'on en croit la radicalisation progressive des prisonniers. La fonction normalisatrice de la prison n'est plus -si tant est qu'elle ait jamais existée-. Le panoptisme tant à une surveillance générale de tous par tous, les nouvelles technologies de l'information et de la communication le permettent encore plus qu'auparavant ; alors pourquoi ne pas prendre acte et favoriser la réinsertion... à domicile ? Le pari est audacieux ; une mesure, un correctif, est nécessaire pour enrayer la pompe criminogène que constitue la prison. Souvenons-nous de la réplique de John Galsworthy, dans Justice (Acte II) : "Maintenant il peut être sauvé. Jetez-le en prison, et je vous affirme qu'il sera perdu".
Les buts sont évidemment de renforcer la sécurité dans les détentions et de faire de l'incarcération un temps utile, de réparation et de lutte contre la récidive. Ite missa est ?
Et, pour ne pas susciter ou à tout le moins renforcer la grogne des avocats, des magistrats, des greffes, on promet qu'aucune juridiction ne sera fermée, même si les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance seront fusionnés. Et, il n'y aura aucun schéma de réorganisation territoriale des cours d'appel arrêté au niveau central ; en revanche au niveau local ? Les professionnels de la Justice sont rassurés, ces expérimentations devront reposer sur une approche consensuelle au sein des territoires. Aux Hommes de bonne volonté, les mains pleines...
L'ambition des chantiers est de restaurer la confiance du citoyen dans le service public de la Justice. Il s'agit de renforcer l'accessibilité et la qualité de la Justice tout en améliorant le quotidien des professionnels du droit et de la Justice. Voilà le voeu formulé par la ministre de la Justice, lors de sa présentation à la presse des axes de ses différentes réformes. C'est Guy Canivet lui-même qui posait l'équation : "La justice a une force d'inertie considérable. Il s'agit désormais de bousculer les habitudes en se posant la question de la nature du service". A la lecture de cette liste à la Prévert des mesures actuellement à l'étude, on peut se poser effectivement la question de la nature même de la Justice de demain. Où l'on craint une Justice "naturaliste" avec le développement des MARD, en parallèle d'une Justice "positiviste" au sein des algorithmes avec en bout de course un juge, seul, infaillible pour dire, non pas le droit, mais la loi applicable à un dossier abstractisé. Etrange de Justice sans avocat, sans juge, sans prison ; mais avec les médiateurs, le web pour écrin au lieu des colonnes doriques et un bracelet électronique à la cheville. Le diable est dans les détails : tout sera affaire de garde-fous.
"De tout temps les tribunaux ont exercé sur moi une fascination irrésistible. En voyage, quatre choses surtout m'attirent dans une ville : le jardin public, le marché, le cimetière et le palais de justice". C'est par ces quelques mots qu'André Gide introduit ses Souvenirs de la cour d'assises. Demain, le reconnaîtrait-il ce palais de justice objet de sa fascination ? Lui qui pensait que les jurés représentaient la Société et étaient bien décidés à la défendre ! Mais, qui avait déjà conscience, en 1922, des limites de la souveraineté du jury populaire : "'Le président m'a dit que jusqu'à présent nous avions très bien jugé'" répétait, il y a quelques jours, un des jurés ; et ce satisfecit du président courait de bouche en bouche, et chacun des jurés s'épanouissait à le redire".
Fabien Girard de Barros
Lexbase

mercredi 19 décembre 2018

504 : Motivation des jugements : CC, 1re Civ., 19 décembre 2018, pourvoi n° 17-22.056,

CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME. 
CC, 1re Civ., 19 décembre 2018, pourvoi n° 17-22.056, Bull. 2018 - P+B.. 

Sommaire : Viole l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile, une cour d’appel qui expose les moyens et prétentions des parties selon les modalités différentes de nature à faire peser un doute légitime sur l’impartialité de la juridiction.

Doctrine :

-    Antoine BOLZE, « Motivation des jugements et impartialité du juge », Dalloz actualité, 28 janvier 2019
-     Mehdi KEBIR, « Motivation du jugement : exigence d'impartialité dans l'exposé des moyens et prétentions », Gaz. Pal., n° 16, 23 avril 2019, p. 68


598 : Consultation du comité d’entreprise d’une filiale en cas d’OPA portant sur les titres de la société-mère : Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-14.520,

1.1.           Consultation des instances nationales de représentation : le premier recours à une motivation développée de la décision


             Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-14.520, FS-P+B+R+I, absence de comité d’entreprise européen, articulation avec les instances nationales de représentation

Il résulte des dispositions des articles L. 2323-1 et L. 2323-33 du code du travail, alors applicables, interprétés à la lumière de l’article 4 de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne et de l’article L. 2341-9 du même code, qu’en l’absence de comité d’entreprise européen instauré par un accord précisant les modalités de l’articulation des consultations en application de l’article L. 2342-9, 4°, du code du travail, l’institution représentative du personnel d’une société contrôlée par une société-mère ayant son


siège dans un autre État membre de l’Union européenne doit être consultée sur tout projet concernant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs résultant des modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, y compris lorsque une offre publique d’acquisition porte sur les titres de la société-mère.

Note explicative de l’arrêt :


L’arrêt Gemalto est l’occasion, pour la première fois s’agissant de la chambre sociale, de recourir à une motivation développée de sa décision.

La chambre sociale était saisie de la question du droit à la consultation et à l’information des institutions représentatives d’une filiale française dans le cadre d’une offre publique d’acquisition (OPA) visant la société mère du groupe, société de droit néerlandais. La question nécessitait de s’interroger sur la mise en œuvre des dispositions de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition et supposait de raisonner en plusieurs temps sur son interaction avec d’autres textes de droit européen ainsi qu’avec les textes de droit français. C’est ce raisonnement que la chambre sociale a choisi de dérouler, de manière détaillée, dans l’arrêt du 19 décembre 2018.

Dans un premier temps, la chambre sociale explique pourquoi la directive susvisée du 21 avril 2004, qui mentionne en son article 2 qu’elle s’applique à la « société visée » par une OPA, dont les titres font l’objet d’une offre, et qui se réfère en son article 4 à l’autorité de contrôle de l’État membre dans lequel la société visée a son siège social, ne peut être invoquée à l’appui d’une demande de consultation de l’institution représentative du personnel d’une société filiale de la société visée par l’OPA, ce qui conduit à exclure également l’application de l’article L. 2223-39 du code du travail qui en est la transposition.

Cependant, poursuivant son analyse, la chambre sociale relève que l’article 14 de la même directive précise qu’elle ne « porte pas préjudice aux règles relatives à l’information et à la consultation des représentants du personnel de l’offrant et de la société visée » et que cet article se réfère aux dispositions des directives 94/45/CE, 98/59/CE, 2001/86/CE et 2002/14/CE, cette dernière directive établissant un cadre général relatif à l’information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.

Or, dans le cadre de la directive 94/45/CE concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen, désormais remplacée par la directive 2009/38/CE, il est organisé l’articulation entre l’information et la consultation du comité d’entreprise européen et des instances nationales de représentation, et précisé que cette articulation ne doit pas justifier une régression par rapport au niveau général de protection des travailleurs organisé par la législation de chaque État membre. Le droit français a intégré ces dispositions à l’article L. 2341-9 du code du travail.

En l’espèce, il n’était pas prétendu qu’il ait été mis en place au sein de la société Gemalto un comité d’entreprise européen. Dès lors, devaient s’appliquer les dispositions de la directive 2009/38/CE, intégrées en droit français aux articles L. 2323-1 et L. 2323-33 du code du travail dans leur rédaction applicable, qui imposent une consultation et une information du comité d’entreprise sur tout projet ayant une incidence sur « l’organisation, la gestion et la marche de l’entreprise » ainsi que sur les « modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise notamment en cas de fusion, de cession de modification importante des structures de production de l’entreprise ».


Le président du tribunal de grande instance ayant constaté que tel était le cas en l’espèce, la chambre sociale l’approuve d’avoir décidé que le comité central d’entreprise de la société filiale française était fondé à demander des informations sur l’OPA.

L’utilisation de la motivation développée permet ainsi de faire connaître au lecteur les étapes d’un raisonnement complexe ayant conduit à la solution de l’arrêt. La chambre sociale pourrait désormais y avoir recours lorsque certaines circonstances - notamment en cas de revirement de jurisprudence, si l’arrêt tranche une question de principe, lorsque la solution présente un intérêt pour le développement du droit - le justifient.

Doctrine :

-              G. Auzero, « Consultation du comité d’entreprise d’une filiale en cas d’OPA portant sur les titres de la société-mère », BJT 2019, n° 2, p. 21
-              C. Berlaud, « Information du CE de la filiale française d’une holding d’un pays membre de    l’UE », Gazette du Palais, 08 janvier 2019, n° 1, p. 36
-             A. Chanu, « L’institution représentative du personnel d’une filiale doit être informée et consultée en cas d’OPA sur la société mère », SSL 2019, n° 1850, p. 7
-              H. Ciray, « Consultation du comité d’entreprise en l’absence de comité d’entreprise européen », Dalloz actualité, 1er février 2019
-              G. Dedessus-le-Moustier, « Consultation du comité d’entreprise d’une société filiale en cas d’OPA sur la société-mère », JCP 2019, éd. G., n° 7, p. 170
-              Y. Ferkane, « Consultation du comité central d’entreprise d’une filiale appartenant à un groupe dont la société mère de droit étranger est la cible d’une OPA », RDT 2019, p. 202
-               C. Merle, A. Vivant, « La filiale française affectée par l’OPA dont fait l’objet sa société mère étrangère doit informer et consulter son comité d’entreprise », JCP 2019, éd. E., n° 9-10, p. 1116
-              H. Nasom-Tissandier, « OPA visant la société-mère : consultation du CE (CSE) de la filiale en l’absence de comité d’entreprise européen », JSL 2019, n° 472, p. 16
-             A. Tessier « Consultation du comité d’entreprise d’une société filiale en cas d’OPA sur la société- mère », JCP 2019, éd. S., n° 9, p. 1066
-              « Information/consultation : filiale française d’une société basée dans un autre Etat membre »,
-              Recueil Dalloz 2019, p. 20
-             « Le zoom de la semaine Offre publique d’acquisition », SSL 2019, n° 1844, p. 15
-             « De l’information du comité d’entreprise, filiale d’une société-mère faisant l’objet d’une OPA »,    JCP 2018, éd. S., n° 51-52, act. 412,
-              « OPA - Information-consultation du CEE de la filiale – Directive du 11 mars 2002 », SSL 2018, n° 1842-1843
-              « OPA sur une société mère étrangère : la filiale affectée par l’offre doit consulter ses élus »,
Liaisons sociales, 8 janvier 2019, n° 17728

jeudi 13 décembre 2018

320 : Les magistrats du Parquet, des subordonnés indépendants, par A. Botton




2. Les magistrats du Parquet, des subordonnés indépendants, par Antoine Botton


Dans cette décision du 8 décembre 2017 (1), le Conseil constitutionnel avait à juger d'une question transmise par le Conseil d'Etat, visant l'article 5 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature (ordonnance portant loi organique relative au statut de la magistrature Numéro Lexbase : L5336AGQ) aux termes duquel : "Les magistrats du Parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du Garde des Sceaux, ministre de la justice. A l'audience, leur parole est libre". Précisément, les requérants -l'Union syndicale des magistrats- reprochaient à cet article de placer les magistrats du Parquet "sous l'autorité du Garde des Sceaux, ministre de la Justice" au mépris, selon eux, du principe de séparation des pouvoirs et de l'un de ses corollaires, celui d'indépendance de l'autorité judiciaire, d'une part, et des droits à un procès équitable et de la défense, d'autre part.
La question intervenait, il est vrai, dans un contexte particulier. Au niveau interne d'abord, il faut relever qu'au travers de certaines réformes et initiatives (2), le législateur actuel a justement souhaité garantir une certaine indépendance fonctionnelle au ministère public. Il n'en demeure pas moins que la réforme constitutionnelle de son statut (3) n'a pas abouti et ce, malgré deux rapports en ce sens sous l'ancienne mandature (4). Concernant le droit du Conseil de l'Europe ensuite, rappelons que la Cour européenne des droits de l'Homme, de jurisprudence constante, considère que le ministère public français n'est pas une "autorité judiciaire" au sens de la Convention, notamment du fait de son défaut d'indépendance (5). S'agissant enfin du droit de l'Union européenne, comment ne pas penser ici à la récente adoption du Règlement portant création d'un Parquet européen (6) ? La référence s'impose ici d'autant plus que le texte comprend des dispositions garantissant expressément aux membres de ce Parquet une indépendance à l'égard tant des institutions communautaires que des Etats membres (7).
Compte tenu de ce contexte, la réponse du Conseil constitutionnel à la question de l'Union syndicale des magistrats faisait nécessairement l'objet d'une attente particulière. Sans surprise toutefois (8) et au terme d'une motivation pour le moins elliptique, le juge constitutionnel déclare les dispositions attaquées conformes aux droits et principes constitutionnels invoqués par les requérants. Pour ce faire, il procède en deux temps : après avoir affirmé qu'il existe un principe constitutionnel d'indépendance des magistrats du Parquet (I), il juge que la subordination hiérarchique de ces derniers au Garde des Sceaux ne lui contrevient pas (II).

I - L'existence d'un principe constitutionnel d'indépendance des magistrats du Parquet

"Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la Constitution consacre l'indépendance des magistrats du Parquet" (9). C'est ainsi que le Conseil conclut son rappel des "normes de référence", c'est-à-dire des dispositions constitutionnelles sur lesquelles va s'appuyer son contrôle. La formule est nette, qui tranche avec l'impression résultant justement de ce rappel.
En effet, hormis l'article 64 de la Constitution (Numéro Lexbase : L0893AHK) suivant lequel "Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire", aucune des dispositions constitutionnelles visées n'assure précisément une telle indépendance. A cet égard, le Conseil précise d'une part qu'"en ce qui concerne les domaines d'action du ministère public", il revient au Gouvernement, en application de l'article 20 de la Constitution (Numéro Lexbase : L0846AHS), de déterminer et de conduire la politique de la Nation. D'autre part, après avoir assez maladroitement rappelé que l'article 64 de la Constitution garantit une inamovibilité aux seuls magistrats du siège, le juge constitutionnel reprend les termes de son article 65 (Numéro Lexbase : L0894AHL) suivant lesquels les décisions relatives à la nomination et à la discipline des magistrats du Parquet ne font l'objet que d'un avis simple du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), relevant respectivement d'une compétence exclusive du Président de la République (10) et du Garde des Sceaux (11).
Si bien que le Conseil infère le principe d'indépendance du Parquet de dispositions constitutionnelles en révélant manifestement la dépendance institutionnelle. Il s'agit là d'un premier paradoxe que la décision tente toutefois de ménager par une précision concernant cette indépendance : elle "doit être conciliée avec les prérogatives du Gouvernement et... elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège" (12). A en croire l'expression, l'indépendance constitutionnelle du Parquet serait donc à la fois relative et spécifique. Le premier de ces caractères laisse toutefois songeur : est-il possible pour une institution d'être à la fois dépendante et indépendante ? En d'autres termes, l'indépendance souffre-t-elle la relativité ? Il est vrai que pourrait être objectée à cette vision simpliste -ou de bon sens, suivant le point de vue- la possibilité théorique de distinguer entre deux formes d'indépendance, l'une institutionnelle, l'autre fonctionnelle. Dans cette perspective, la dépendance institutionnelle indéniable du Parquet n'empêcherait pas son autonomie de fonctionnement. Ainsi, semble l'entendre le Conseil constitutionnel lorsqu'il évoque, après avoir proclamé l'indépendance des magistrats du Parquet, "le libre exercice de leur action devant les juridictions" (13). Toutefois, quand bien même le suivrait-on dans cette démarche dichotomique, quel est le fondement constitutionnel de ce "libre exercice de leur action" par les magistrats du Parquet ? En effet, si la dépendance institutionnelle du Parquet ressort nettement des dispositions constitutionnelles sus-évoquées, rien de tel en revanche n'émerge s'agissant de son autonomie fonctionnelle. Aussi, en évoquant leur "libre exercice (d') action", le Conseil ne peut faire référence qu'aux articles du Code de procédure pénale et de l'ordonnance attaquée, qui assurent justement aux magistrats du Parquet une indépendance dans l'exercice de leur triple fonction de direction d'enquête (14), de déclenchement (15) et d'exercice (16) de l'action publique (17). Or, tous ces textes ont un point commun : ils n'ont aucune valeur constitutionnelle (18).
De sorte que le raisonnement mené par le Conseil nous semble devoir conduire à une conclusion inverse de la sienne. La Constitution -norme de contrôle- loin d'assurer une quelconque indépendance aux magistrats du Parquet, prévoit au contraire leur rattachement institutionnel à l'exécutif. Dès lors, ne faudrait-il pas plutôt y déceler un principe de dépendance à l'exécutif du Parquet ? La question est, convenons-en, provocatrice, qui peut faire l'objet de deux objections principales.
En premier lieu, si l'article 16 de la Déclaration de 1789 (Numéro Lexbase : L1363A9D), siège du principe de séparation des pouvoirs, ne fait manifestement pas obstacle à l'existence d'un lien hiérarchique entre le Parquet et le pouvoir exécutif (19), ne prohibe-t-il pas néanmoins toute reconnaissance constitutionnelle de cette dépendance ? Il est a priori permis de le penser. Cela étant, l'affirmer nécessiterait de passer sous silence l'ambiguïté de l'adjectif "judiciaire". S'il s'attache à un organe, le Parquet, membre du corps "judiciaire", ne peut être alors envisagé, d'un point de vue constitutionnel, comme dépendant d'un autre pouvoir. Si, en revanche, l'adjectif est conçu -il est vrai, abusivement- comme un synonyme de "juridictionnel" et s'attache en conséquence à une fonction, il est alors notable que le Parquet n'en exerce aucune, du moins officiellement. Comme l'a lui-même reconnu le Conseil à propos du projet d'"injonction pénale", ancêtre de la composition, le Parquet n'est pas une autorité de jugement mais une autorité chargée de l'action publique (20). Par conséquent, si l'on confère un sens identique aux épithètes "judiciaire" et "juridictionnel" lorsqu'ils s'attachent à un "pouvoir" à séparer, il serait envisageable, pour le Conseil, de consacrer un principe de dépendance des magistrats du Parquet sans pour autant bafouer l'article 16 de la Déclaration de 1789. En effet, si cet article ne vise qu'à séparer le pouvoir juridictionnel des autres pouvoirs, il ne saurait alors concerner l'activité, par hypothèse (21), non-juridictionnelle du Parquet.
Dès lors, quelle définition retenir de l'adjectif "judiciaire" attaché à un pouvoir devant être séparé ? Si l'on s'en tient à la jurisprudence du Conseil, celle consistant à l'envisager tel un "pouvoir" de jugement. En effet, suivant une formule du Conseil, l'article 16 de la Déclaration "implique le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement" (22). Ainsi entendu, le principe constitutionnel des séparations des pouvoirs n'obvie alors en rien à la consécration de celui de dépendance des magistrats du Parquet, sauf, il est vrai, à leur reconnaître officiellement une fonction juridictionnelle qu'ils exerceraient déjà, selon certains auteurs (23), à titre officieux.
Pareille consécration ne se heurterait-elle pas, en second lieu, à la jurisprudence déjà rappelée de la Cour européenne des droits de l'Homme concernant le ministère public français (24) ? Nous ne le pensons pas. Bien au contraire, la reconnaissance constitutionnelle de la dépendance du Parquet aurait pour mérite de ne plus jurer avec le constat dressé par la Cour. Il convient surtout de rappeler ici que la position de la Cour ne remet nullement en cause le statut du ministère public français ; elle ne concerne que les prérogatives qui lui sont reconnues en matière d'arrestation et de détention avant jugement. En effet, elle veille exclusivement à ce que, conformément à l'article 5 § 3 de la Convention (Numéro Lexbase : L4786AQC), toute personne arrêtée ou détenue soit "aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires". La Cour est donc tout à fait indifférente à l'institution, en elle-même, d'un Parquet dépendant et partial tant que celui-ci n'exerce pas les prérogatives d'une "autorité judiciaire" telle qu'elle l'entend.
Au terme de ces développements, l'affirmation d'un principe d'indépendance des magistrats du Parquet ne semble pas sans conteste ; la consécration d'un principe inverse, doté quant à lui de véritables fondements constitutionnels, disposant de l'avantage indéniable de priver d'intérêt la question de constitutionnalité ici posée au Conseil. Ce dernier a toutefois choisi d'ouvrir la "porte étroite" de son contrôle, pour mieux, il est vrai, la refermer brusquement au nez des requérants.

II - La conformité de la subordination hiérarchique des magistrats du Parquet

"Les dispositions contestées placent les magistrats du Parquet sous l'autorité du Garde des Sceaux, ministre de la Justice". Par ce considérant lapidaire débute l'examen de constitutionnalité de l'article 5 de l'ordonnance de 1958, celui-ci semblant ainsi condamné sans avoir même été jugé. C'était sans compter le souci du Conseil de ménager quelque effet de surprise à ses lecteurs. Au terme d'un suspens relativement bref, compte tenu de la sécheresse de la motivation, le Conseil déclare effectivement cet article conforme à la Constitution, usant ainsi d'une recette bien connue des auteurs de romans policiers : celui que tout désigne comme coupable à la première page est, contre toute attente, reconnu innocent à la dernière. L'entre-deux est souvent de peu d'intérêt pour le lecteur de ces romans. Rien de tel cependant en l'occurrence, la motivation de la décision, bien que laconique, étant remarquable à deux égards : quant à la méthode de contrôle qu'elle révèle, d'une part, et quant à sa teneur, d'autre part.
Dans la décision commentée, le contrôle de constitutionnalité des dispositions attaquées tient principalement en celui de leur environnement juridique. En effet, au lieu de procéder à l'examen de l'article 5 de l'ordonnance de 1958 en lui-même, le Conseil opte pour un rappel de l'ensemble des normes infra-constitutionnelles relatives à l'indépendance des magistrats du Parquet. Précisément, il relève, dans un premier temps (25), toutes les dispositions légales marquant la dépendance de ces derniers au pouvoir exécutif : les règles de nomination et de discipline contenues dans l'ordonnance de 1958 (26) mais aussi celles prévues par le Code de procédure pénale en matière d'instructions générales de politique pénale émises par le garde des Sceaux (27).
Puis, dans un second temps, le Conseil mentionne les textes assurant, au contraire, une indépendance fonctionnelle aux magistrats du Parquet car prohibant toute instruction du Garde des Sceaux dans les affaires individuelles (28), garantissant une liberté de parole aux membres du ministère public (29), soumettant leur action au principe d'impartialité (30) ou encore leur permettant de décider librement de l'opportunité des poursuites (31).
Une fois rappelé leur contexte juridique, le Conseil juge alors que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe d'indépendance des magistrats du Parquet précédemment dégagé et ne contreviennent, au surplus, à aucun autre des droits et libertés garantis par la Constitution.

 Antoine Botton Professeur à l'Université Toulouse I - Capitole