Arrêt n°646 du 10 mai 2019 (18-82.737) -Cour de cassation - Assemblée plénière
PRESSE Rejet
Le 26 février 2015, le Royaume du Maroc, représenté par son ministre de l’intérieur, a fait citer un de ses ressortissants, devant le tribunal correctionnel de Paris, du chef de diffamation publique envers un particulier. Etaient en cause des propos tenus sur des chaînes de télévision françaises à l’occasion de la manifestation du 11 janvier 2015 (pourvoi n° 18-82.737).
Le 29 décembre suivant, représenté par son ambassadeur en France, il a déposé deux plaintes avec constitution de partie civile du même chef, devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris, l’une contre un organe de presse (pourvoi n° 17-84.509), et l’autre contre une maison d’édition et le même ressortissant que celui visé par la première citation (pourvoi n° 17-84.511). Etaient en cause des écrits dont plusieurs passages étaient jugés diffamatoires par cet Etat.
Ayant été déclaré irrecevable au motif qu’il ne pouvait être assimilé à un particulier au sens de l’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le Royaume du Maroc a formé trois pourvois en cassation qui ont été renvoyés devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation.
A l’occasion de ces pourvois, le Royaume du Maroc a déposé trois questions prioritaires de constitutionnalité, dont deux ont été déclarées irrecevables par arrêts du 17 décembre 2018 (pourvois n°s 17-84.509 et 17-84.511). Par un arrêt du même jour, répondant à la question prioritaire de constitutionnalité posée à l’appui du pourvoi n° 18-82.737 invoquant une différence de traitement injustifiée entre l’Etat français et les Etats étrangers dans l’exercice du droit à un recours juridictionnel en méconnaissance du principe d’égalité devant la justice, tel que garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’assemblée plénière de la Cour a dit n’y avoir lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel, la jugeant dépourvue de caractère sérieux au motif qu’il n’existe aucune différence de traitement entre l’Etat français et les Etats étrangers qui ne peuvent ni l’un ni les autres agir sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881.
Les moyens soutenus au fond par le Royaume du Maroc ont conduit l’assemblée plénière à se prononcer sur le droit à la protection de la réputation des Etats dans une société démocratique, après qu’elle a confirmé qu’un Etat ne peut être assimilé à un particulier au sens de l’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881.
L’assemblée plénière a rejeté les pourvois, décidant qu’aucun Etat, qui soutient être victime d’une diffamation, ne peut agir en réparation du préjudice qui en résulterait, conformément aux principes qui guident notre Etat de droit, aux rangs desquels figure la liberté d’expression qui garantit le respect des autres droits et libertés.
Dans sa décision, l’assemblée plénière s’est référée à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et a relevé, d’une part, qu’il ne résulte pas de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales le droit pour un Etat de se prévaloir de la protection de sa réputation pour limiter l’exercice de la liberté d’expression, d’autre part, qu’il ne résulte pas de l’article 6, § 1, de ladite Convention que, par voie d’interprétation, ses organes puissent créer un droit matériel qui n’a aucune base légale dans l’Etat concerné.
Dès lors, sans avoir à se prononcer sur l’invocabilité par un Etat de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’assemblée plénière a jugé qu’en l’absence de droit substantiel résultant du droit interne ou du droit conventionnel, l’accès au juge, qui a pour fonction de faire valoir un droit, est sans fondement et ne peut être considéré comme méconnu.
PRESSE Rejet
Le 26 février 2015, le Royaume du Maroc, représenté par son ministre de l’intérieur, a fait citer un de ses ressortissants, devant le tribunal correctionnel de Paris, du chef de diffamation publique envers un particulier. Etaient en cause des propos tenus sur des chaînes de télévision françaises à l’occasion de la manifestation du 11 janvier 2015 (pourvoi n° 18-82.737).
Le 29 décembre suivant, représenté par son ambassadeur en France, il a déposé deux plaintes avec constitution de partie civile du même chef, devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris, l’une contre un organe de presse (pourvoi n° 17-84.509), et l’autre contre une maison d’édition et le même ressortissant que celui visé par la première citation (pourvoi n° 17-84.511). Etaient en cause des écrits dont plusieurs passages étaient jugés diffamatoires par cet Etat.
Ayant été déclaré irrecevable au motif qu’il ne pouvait être assimilé à un particulier au sens de l’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le Royaume du Maroc a formé trois pourvois en cassation qui ont été renvoyés devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation.
A l’occasion de ces pourvois, le Royaume du Maroc a déposé trois questions prioritaires de constitutionnalité, dont deux ont été déclarées irrecevables par arrêts du 17 décembre 2018 (pourvois n°s 17-84.509 et 17-84.511). Par un arrêt du même jour, répondant à la question prioritaire de constitutionnalité posée à l’appui du pourvoi n° 18-82.737 invoquant une différence de traitement injustifiée entre l’Etat français et les Etats étrangers dans l’exercice du droit à un recours juridictionnel en méconnaissance du principe d’égalité devant la justice, tel que garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’assemblée plénière de la Cour a dit n’y avoir lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel, la jugeant dépourvue de caractère sérieux au motif qu’il n’existe aucune différence de traitement entre l’Etat français et les Etats étrangers qui ne peuvent ni l’un ni les autres agir sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881.
Les moyens soutenus au fond par le Royaume du Maroc ont conduit l’assemblée plénière à se prononcer sur le droit à la protection de la réputation des Etats dans une société démocratique, après qu’elle a confirmé qu’un Etat ne peut être assimilé à un particulier au sens de l’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881.
L’assemblée plénière a rejeté les pourvois, décidant qu’aucun Etat, qui soutient être victime d’une diffamation, ne peut agir en réparation du préjudice qui en résulterait, conformément aux principes qui guident notre Etat de droit, aux rangs desquels figure la liberté d’expression qui garantit le respect des autres droits et libertés.
Dans sa décision, l’assemblée plénière s’est référée à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et a relevé, d’une part, qu’il ne résulte pas de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales le droit pour un Etat de se prévaloir de la protection de sa réputation pour limiter l’exercice de la liberté d’expression, d’autre part, qu’il ne résulte pas de l’article 6, § 1, de ladite Convention que, par voie d’interprétation, ses organes puissent créer un droit matériel qui n’a aucune base légale dans l’Etat concerné.
Dès lors, sans avoir à se prononcer sur l’invocabilité par un Etat de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’assemblée plénière a jugé qu’en l’absence de droit substantiel résultant du droit interne ou du droit conventionnel, l’accès au juge, qui a pour fonction de faire valoir un droit, est sans fondement et ne peut être considéré comme méconnu.
Note explicative relative aux arrêts n°644, 645 et 646 du 10 mai 2019 (17-84.509, 17-84.511, 18-82.737) - Assemblée plénière
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Demandeur (s) : Royaume du Maroc, partie civile
Défendeur(s) : M. X...
Sommaire : L’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne permet pas à un Etat, qui ne peut pas être assimilé à un particulier au sens de ce texte, d’engager une poursuite en diffamation.
En droit interne, la liberté d’expression est une liberté fondamentale qui garantit le respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à son exercice doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il en est de même au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (pourvoi n° 18-82.737).
A la supposer invocable, il ne résulte pas de l’article 8 de ladite Convention qu’un Etat peut se prévaloir de la protection de sa réputation pour limiter l’exercice de cette liberté (pourvoi n° 18-82.737). De même, il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que les organes de la Convention peuvent créer, par voie d’interprétation de son article 6, § 1, un droit matériel de caractère civil qui n’a aucune base légale dans l’Etat concerné (pourvois n°s 17-84.509 et 17-84.511).
Ainsi, il n’existe aucun droit substantiel, dont le droit processuel devrait permettre l’exercice en organisant un accès au juge de nature à en assurer l’effectivité.
En conséquence, aucun Etat, qui soutient être victime d’une diffamation, ne peut agir en réparation du préjudice qui en résulterait.
Demandeur (s) : Royaume du Maroc, partie civile
Défendeur(s) : M. X...
Défendeur(s) : M. X...
Sommaire : L’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne permet pas à un Etat, qui ne peut pas être assimilé à un particulier au sens de ce texte, d’engager une poursuite en diffamation.
En droit interne, la liberté d’expression est une liberté fondamentale qui garantit le respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à son exercice doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il en est de même au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (pourvoi n° 18-82.737).
A la supposer invocable, il ne résulte pas de l’article 8 de ladite Convention qu’un Etat peut se prévaloir de la protection de sa réputation pour limiter l’exercice de cette liberté (pourvoi n° 18-82.737). De même, il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que les organes de la Convention peuvent créer, par voie d’interprétation de son article 6, § 1, un droit matériel de caractère civil qui n’a aucune base légale dans l’Etat concerné (pourvois n°s 17-84.509 et 17-84.511).
Ainsi, il n’existe aucun droit substantiel, dont le droit processuel devrait permettre l’exercice en organisant un accès au juge de nature à en assurer l’effectivité.
En conséquence, aucun Etat, qui soutient être victime d’une diffamation, ne peut agir en réparation du préjudice qui en résulterait.
En droit interne, la liberté d’expression est une liberté fondamentale qui garantit le respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à son exercice doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il en est de même au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (pourvoi n° 18-82.737).
A la supposer invocable, il ne résulte pas de l’article 8 de ladite Convention qu’un Etat peut se prévaloir de la protection de sa réputation pour limiter l’exercice de cette liberté (pourvoi n° 18-82.737). De même, il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que les organes de la Convention peuvent créer, par voie d’interprétation de son article 6, § 1, un droit matériel de caractère civil qui n’a aucune base légale dans l’Etat concerné (pourvois n°s 17-84.509 et 17-84.511).
Ainsi, il n’existe aucun droit substantiel, dont le droit processuel devrait permettre l’exercice en organisant un accès au juge de nature à en assurer l’effectivité.
En conséquence, aucun Etat, qui soutient être victime d’une diffamation, ne peut agir en réparation du préjudice qui en résulterait.
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