Arrêt n°648 du 4 octobre 2019 (10-19.053) -Cour de cassation - Assemblée plénière
GPA - FILIATIONCassation sans renvoi
GPA faite à l’étranger et lien de filiation avec la mère d’intention
Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien
de filiation avec la mère d’intention. Dans le cas d’espèce, seule la transcription des actes de naissance
étrangers permet de reconnaître ce lien dans le respect du droit à la vie privée des enfants.
Les faits
Un couple de Français recourt à la gestation pour autrui en Californie, où la GPA est légale. Les enfants
naissent en 2000. Leurs actes de naissance sont établis aux Etats-Unis, conformément aux jugements de la
Cour supérieure californienne. Ces actes de naissance réguliers mentionnent les membres du couple comme
étant le père biologique et la « mère légale », qui n’a pas accouché. Ils avaient alors été transcrits sur les
registres de l’état civil français, avant qu’une procédure en annulation ne soit engagée par le ministère public.
La procédure
En 2011, la Cour de cassation refuse au couple la transcription en France des actes de naissance. En 2014, la
Cour européenne des droits de l’homme, saisie par le couple, condamne la France pour atteinte au droit au
respect de la vie privée des enfants. En 2018, la Cour de cassation procède au réexamen de l’affaire : elle saisit
la Cour EDH pour avis consultatif quant aux possibilités offertes pour reconnaître l’existence du lien avec la
mère d’intention, en dehors de toute réalité biologique. En 2019, la Cour EDH est d’avis qu’un lien de filiation
entre l’enfant et la mère d’intention doit pouvoir être établi, mais laisse les Etats décider du mode le plus
adapté.
La question posée à la Cour de cassation
Le lien de filiation entre un enfant né d’une GPA à l’étranger et le père biologique, d’une part, la mère
d’intention, d’autre part, doit-il être reconnu et si oui, par quel moyen ?
La réponse de la Cour de cassation
En droit français, les conventions de GPA sont interdites.
Toutefois, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3§1 de la Convention de New York sur les droits de
l’enfant) et pour ne pas porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée (art. 8 de la Convention
EDH), une GPA réalisée à l’étranger ne peut faire, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien
de filiation avec la mère d’intention. Cette reconnaissance doit avoir lieu au plus tard lorsque le lien entre
l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé.
Concernant le lien avec le père biologique, il est déjà acquis, depuis 2015, qu’il peut être établi à certaines
conditions par la transcription de l’acte de naissance établi dans un pays étranger.
Si, en droit français, la filiation peut être établie de différentes manières (acte de naissance, reconnaissance
volontaire, adoption, possession d’état, jugement), dans le cas d’une GPA réalisée à l’étranger, le lien avec la
mère d’intention doit être établi en privilégiant un mode de reconnaissance qui permette au juge français de
contrôler la validité de l’acte ou du jugement étranger et d’examiner les circonstances particulières dans
lesquelles se trouve l’enfant. L’adoption répond le mieux à ces exigences.
Toutefois, dans cette affaire spécifique qui dure depuis plus de quinze ans, une procédure d’adoption porterait
une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants : celles-ci sont nées depuis plus de 18 ans, leurs actes
de naissance ont été établis à l’étranger dans un cadre légal et elles ne peuvent prendre l’initiative d’une
adoption, dont le choix revient aux parents.
La possession d'état, quant à elle, à supposer que les conditions légales en soient réunies, n'offrirait pas une
sécurité juridique suffisante.
Dans ce cas particulier, en l’absence d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui
ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des enfants, et alors que la
demande en réexamen a pour objet de mettre fin aux atteintes portées à la Convention EDH, la transcription en
France des actes de naissance désignant la mère d’intention, avec laquelle le lien est depuis longtemps
largement concrétisé, ne doit pas être annulée.
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