jeudi 16 avril 2015

24 : Une plaidoirie pour le maintien du terme « intérêt » à l’article 1061 de l’avant-projet, par M. Bellamallem


Une plaidoirie pour le maintien du terme « intérêt » à l’article 1061 de l’avant-projet d'ordonnance portant réforme du droit des contrats (art 1162 du code civil)

Par Mohammed Bellamallem*


L’article 1161 de avant-projet d'ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime et de la preuve des obligations, (devenu article 1162 du code civil) a suscité plusieurs critiques et que la direction des affaires civiles et du Sceau avait l’intention de prolonger la réflexion sur ce sujet.
Nous essayons dans cette contribution (à la consultation publique) d’apporter quelques arguments défendant le maintien du terme « intérêt » comme il était prévu lors de la première version du projet de réforme du droit des contrats de la Chancellerie présenté en juillet 2008, au lieu du terme "but" employé dans la version du projet d'ordonnance actuelle, qui est trop pauvre et ne mérite pas d’être le remplaçant de notre fameuse notion : "la cause", pour les raisons suivantes :
1. Par l’extrême variété de sens acquise par la notion d’« intérêt ». Le Trésor de la langue française ([1]) ne relève pas moins d’une dizaine de sens principaux, accompagnés de très nombreuses nuances pour chacun d’eux, énumérées sur six pages, aux côtés des sens particuliers acquis par le vocable dans une foule d’expressions. À titre d’exemple, il suffira d’évoquer dans le seul domaine juridique: «intérêts privés», «intérêts publics», «intérêts civils», «intérêt commun», «intérêt général» et «intérêts particuliers», «intérêts protégés», «intérêts purs et simples », « intérêt légitime », « intérêts licites ou illicites », « intérêt de la loi », « intérêts légaux », « intérêt moral », « intérêt pour agir», « intérêt des parties », « intérêt des tiers », « intérêts en cause » ou « en présence », « intérêt éventuel », « intérêts de droit » ou «intérêt conventionnel », « intérêts judiciaires », «intérêt collectif » et « groupes d’intérêts », « dommages et intérêts », « intérêt du contrat », « conflits d’intérêts », « intérêts compensatoires » ou «moratoires», etc. et des locutions du type : « Pas d’intérêt, pas d’action ».
2. L’intérêt se trouve dans tous les livres du Code civil. À titre d’exemple, un auteur ([2]) a relevé les occurrences du terme « intérêt », dans le Livre premier du Code civil, à l’exception de deux cas : lorsque le terme a le sens d’« intérêt d’un capital », et lorsqu’il se présente dans l’expression « dommages—intérêts ». On rencontre 56 fois le terme « intérêt » ainsi déterminé, dans 48 articles (le terme est parfois répété — et pas toujours dans le même sens — dans un même article), sur les 615 que compte actuellement le Livre premier du Code civil, et malgré l’abrogation pure et simple d’un grand nombre de textes originaux.
3. La doctrine allemande a tout naturellement commencé sa réflexion dans la perspective téléologique. Si elle a finalement préféré remplacer le « but » par « l’intérêt », car le terme « intérêt » exprime les « exigences de la vie » sur lesquelles le droit doit s’aligner. Elle aura une propension à traduire toutes les réalités juridiques en termes d’intérêts. C’est ce qui donne un dynamisme à sa méthode, car les autres expressions, déjà utilisées ou proposées, telles que « exigences » ou  « but », tout en exprimant, elles aussi, une ouverture vers la vie, demeurent statiques. La notion, de « but », en particulier, est inadéquate : elle réduit les questions juridiques à un seul dénominateur, alors que les intérêts, nécessairement multiples, répondent mieux à la complexité de la vie. Dans le droit actuel, aucun intérêt n’est isolé, il
se trouve constamment en conflit avec d’autres intérêts : l’ouverture vers la vie signifie la prise en considération, de tous les intérêts et non pas simplement de cet intérêt prépondérant ou vainqueur que l’un baptise «but»([3]).
4. Afin de contribuer au maintien du rayonnement du système juridique français, dans les pays qui ont utilisé le Code Napoléon comme source de base de leurs propres lois sur le Code Civil, notamment les pays du Maghreb,  Je pense qu’il est mieux que la réforme adopte le concept de l’intérêt comme substitut de la cause, car le mot intérêt n’est pas une notion inconnue dans leurs cultures juridiques. (Vous trouvez ci joint un document qui vous donne une idée de la place primordiale du concept intérêt dans la culture juridique de tous les pays de rite musulman, ce qui veut dire que l’adoption par le législateur français de ce terme dans le livre trois de son code civil sera bien accueillie dans ces pays et les encouragera à intégrer la réforme dans leur propre Code civil).
5. En somme, je n’ai pas besoin d’insister davantage sur l’importance et la richesse du mot intérêt ([4]) par rapport au mot « but », car vous êtes au cœur de l’opération législative et vous avez constaté que l’objet de celle-ci n’est pas autre, que de donner la satisfaction, la plus adéquate, aux diverses aspirations rivales, dont la juste conciliation apparait nécessaire pour réaliser la fin sociale de l’humanité. Le moyen pour obtenir ce résultat consiste à reconnaître les intérêts en présence, à évaluer leur force respective, à les peser, en quelque sorte, avec la balance de la justice, en vue d’assurer la prépondérance des plus importants ([5]). Le juge refait en quelque sorte le travail du législateur, il explore les intérêts présents dans le cas jugé. Il doit descendre jusqu’aux éléments de l’espèce, comprendre les intérêts en jeu, les comparer à ceux dont les partis ont tenu compte dans leur contrat. Dès lors, l'adoption de la notion de l’intérêt - comme il était prévu dans la première version du projet de réforme 2008 - facilite la tâche des juges, car le terme est plus accessible et pertinent que le terme « but ».  «L’intérêt » seul mérite le cas échéant d’être le successeur de la cause.



*Doctorant à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne




[1] - Intérêt, in Trésor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIX i du XX siècles (1789-1960), t. X, Paris, C.N.R.S., 1983, p. 423-428.

[2] - ARNAUD, A.-J., L’intérêt des personnes: quelques enseignements d’une analyse structurale comparée des textes du livre premier du Code civil français de 1803 à 1987 , in Droit et intérêt, vol.3, Approche interdisciplinaire, Bruxelles, 1990, p. 7.

[3] - Muller, Vladimir, La Philosophie du droit de Philipp V. Heck, Thèse. Droit. Paris II. 1973, p 76.

[4] - Vous trouviez ci-joint, une brève bibliographie des livres et des études qui ont été mené autour de la notion d’intérêt, ce qui montre d’une autre part la richesse de cette notion. 
Ø  M. MEKKI, « l’intérêt général et le contrat. Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé », préface Jacques Ghestin , LGDJ. 2004.
Ø  F. OST, Entre droit et non-droit, l'intérêt. Essai sur les fonctions qu'exerce la notion d'intérêt en droit privé, tome II de Droit et intérêt, Bruxelles, Publications F.U.S.L., 1990, 202 p.

Ø  Do, Van Dai, Le rôle de l'intérêt privé dans le contrat en droit français, préf. Jacques Mestre, Presses universitaires d'Aix-Marseille , 2004
Pour avoir la totalité de bibliographie autour de "l'intérêt" (5 pages) merci d'adresser un mail à l'administration de la revue: (rjcc.fr@mail.com). Le Prix 1 euros.

[5] - F. Geny, Fr Geny, « méthode d’interprétation et sources en droit privé positif » 2e éd. 1919.., T 2., note 173, p 167.

lundi 1 décembre 2014

21: La nature juridique des clauses d’agrément, par M. Bellamallem

 

La nature juridique des clauses d’agrément

Par: Mohammed Bellamallem
Ed. RJCC.fr, Paris, 2019.
66 pages




Table des matières


Chapitre I : La qualification juridique du droit d’agrément statutaire

Section I : Le droit d’agrément statutaire, un droit de préemption
§ I.  La nature du droit des co-actionnaires du cédant
§ II. La nature du droit du cessionnaire acquéreur

Section II : Les conditions d’exercice du droit de préemption
§ I. Au niveau la dénomination et le titre de la cession
§ II. Au niveau de la nature du bien objet de la restriction

Chapitre II : Les conséquences juridiques de la qualification retenue

Section I : Les conséquences de la qualification sur les prérogatives de l’acquéreur
§ I. Au niveau des droits de l’acquéreur
§ II. Au niveau des obligations de l’acquéreur

Section II : Les conséquences de la qualification sur la substitution du préempteur
§ I. La substitution : un point de différence
§ II. La substitution : un point de ressemblance



Conclusion générale
Il apparaît, suite à ce qui précède, que le droit d’agrément du droit des sociétés anonymes se rapproche du droit de préemption ([1]). L’on peut même dire que le droit d’agrément est un droit de préemption pur et simple. Il ne se distingue de ce dernier qu’en ce qu’il est plus restrictif dans la mesure où il donne au bénéficiaire le droit d’acheter ou de faire acheter les biens meubles même dans les cas où la loi ne l’autorise pas au préempteur dans le cadre du droit de préemption. 
En somme, la préemption connue dans les différentes codes de la législation française ([2]) existe bien aussi dans le droit des sociétés anonymes, car ce que le législateur dénomme « droit d’agrément » est un vrai droit de préemption avec tous le sens que contient le terme  en droit immobilier français et marocain. D’autant qu’il y a parmi la doctrine française ([3]) des auteurs qui pensent qu’il n’existerait pas entre les retraits et les préemptions de différences essentielles. Dans les deux institutions, la loi conférerait à une personne la faculté de prendre le contrat conclu avec une autre, en se substituant à l’acquéreur qu’elle évince. Dans les deux cas, il s’agirait d’une cession de contrat légale et forcée ([4]).

Pour avoir une copie intégrale de cette étude (66 pages), merci d'adresser vos demandes à la direction de la revue:
RJCC.fr@gmail.com
Le prix 5 euros.




[1] - Réglementé dans le code civil, code rural, code de l’urbanisme, code générale des impôts, code du patrimoine.
[2] - En droit de préemption la cession doit être réalisée à titre onéreux, dans le droit d’agrément la cession des valeurs mobilières, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l’agrément de la société.
[3] - C. SAINT-ALARY-HOUIN. Op, cit. p 269, note 294.
[4] - Le professeur Laurent AYNÈS n’est pas de cet avis, pensant plutôt que « la rétroactivité de la substitution est difficilement compatible avec la cession de contrat ; laquelle n’est d’ailleurs invoquée que pour expliquer l’identité des situations juridiques du préempteur ou du retrayant et de l’acquéreur évincé : c’est le même contrat de vente, avec ses modalités et exceptions, qui liait celui-ci et lie désormais ceux-là. De plus seuls les contrats instantanés, et en général translatifs de propriété, donnent prise à la préemption ou au retrait, ce qui est contraire à l’esprit de la cession de contrat qui pour raison d’être la stabilité des contrats successifs, en dépit ou au moyen du changement de l’une des parties. Enfin la pratique notariale est hostile à cette analyse : elle se borne à notifier au bénéficiaire du droit de préemption une déclaration d’intention qui ne comporte pas le nom de l’acquéreur ; or, il ne peut y avoir reprise d’un contrat qui n’est pas conclu ». P. MALAURIE et L. AYNÈS, P. STOFFEL-MUNCK, « Traité droit civil, les obligations », 6e édition, LGDJ, Paris, 2013,  p 481 note 924. ; Laurent AYNES, « cession de contrat, et les opérations juridiques à trois personnes ». Economica, Paris. 1er ed. 1984. préf. P. Malaurie.

jeudi 16 octobre 2014

20 : Les avants contrats en France ordre ou désordre ?, par M. Bellamallem

Les avants contrats en France ordre ou désordre ? 


par Mohammed Bellamallem*



La cour de cassation est devenue une source de droit, elle se comporte comme une institution ou autorité. Elle dispose aujourd'hui des moyens pour édicter « des lois » : un site internet, les références des arrêts précédents sous chaque nouvel arrêt, un calendrier des assemblées plénières... La cour a un planning et une vision bien claire, pour ce qu’elle doit faire à propos de chaque question juridique non réglementée, comme le montre notre sujet sur les avants contrats en droit positif français : Le pacte de préférence, pacte de préemption, les pourparlers, la promesse unilatérale de vente, la promesse synallagmatique de vente...
Dès le début on peut prendre position sur le sujet pour dire que la cour de cassation concernant les avants contrats est bien ordonné, elle vise vers un objectif clair et bien déterminé, c’est d’affaiblir l’efficacité de ce type des contrats préparatoires. Elle profite, dans ce cadre, du vide législatif concernant ce sujet, à l’exception de quelques dispositions dans le code de construction et d’habitation.
Pour démontrer et approuver la thèse de l'adoption d'une vision bien structurée par la cour de cassation concernant les avants contrats visant à amoindrir son efficacité, on adoptera un plan simple qui suit les traces de la cour de cassation à l’égard des avants contrats depuis la phase de la conclusion (I) jusqu'à la phase de la sanction de violation des avants contrats (II).

I. Au niveau de la conclusion des avants contrats

Le droit positif français sous l’égide de la cour de cassation est bien ordonné en ce qui concerne la valeur et la portée limitée que la cour donne à ses avants contrats, cela apparaitre au niveau de la nature juridique donnée à ces actes préparatoires (A), et au niveau de la position adoptée par la cour concernant les modalités d’exercice de ces droits, notamment en ce qui concerne le délai d’exercice (B).

A/ La nature juridique des avants contrats

1. La cour de cassation n’oublie jamais que ces avants contrats sont des restrictions de la libre cession des biens, et qu’ils sont des exceptions du principe de la libre disposition. De cet effet ils doivent être interprétés, d’une façon restrictive. Les juges du fond ne doivent pas élargir l’interprétation des avants contrats et tout doute doit être interprété au profit de celui qui voit sa liberté de disposer de ses biens en train de se limiter.
Dans ce cadre la position de la cour de cassation par exemple en ce qui concerne la cession des parts a été dirigé vers l’invalidité des clauses qui restreint la libre cession des actions, puisque c’est contre le principe de la négociabilité des titres régissant la matière ([1]), mais elle a assoupli sa position dans les années 70, pour valider ses clauses à condition qu’elles soient extra-statutaire ([2]), et elle a admis à titre d’exception la restriction de la libre cession des actions entre actionnaires, si la clause de préemption vise à établir l’égalité entre actionnaires ([3]).
2. Dans le même cadre la cour rappelle toujours dans les affaires qui portent sur les pourparlers que le principe est de rompre : il n’y a jamais d’obligation de conclure le contrat, méme si on entamé des négociations à cette fin ([4]), et il n’y a lieu à l’indemnisation de la rupture que dans le cas où elle s’avère abusive ([5]).
3. Dans cet ordre qui vise d’affaiblir les avants contrats, la cour de cassation a jugé dernièrement même pour la promesse synallagmatique des ventes que les parties peuvent faire la réitération par acte authentique un élément constitutif de leur consentement ([6]), maintenant la cour prend en considération ce qui est dans l’esprit des parties et non pas ce qu'édicte le premier alinéa de l’article 1589 du code civil ([7]), certain auteur ([8]) approuve cette position en disant que la promesse synallagmatique ce n’est pas vente, le législateur a dit juste “vaut vente”. Qu’en est-il pour les conditions d’exercice ?

B/ Les conditions d’exercice des avants contrats : Le délai

1. Pour prouver que la cour de cassation a la tendance d'affaiblir les avants contrats dans l'objectif de donner plus d’efficacité et de sécurité au marché immobilier, on trouve dernièrement que la cour de cassation fait du terme fixé par les parties comme un terme extinctif et non pas suspensif, comme elle a jugé dans un arrêt de 21 novembre 2012 ([9]), récemment par un arrêt ([10]) rendu par la 3eme chambre civile en 2013, la cour a opéré un revirement selon le Professeur Laurant AYNES([11]), à partir de l’expiration de la date le promettant se trouve libérer. Elle a fait une application de premier alinéa de l’article 1176 du code civil, mais ce revirement a été discret puisque la doctrine lui reproche de ne pas prendre en considération la date de la réitération. A mon sens, c’est parce que la cour suit sa technique des petits pas.

2. La cour de cassation considère que le vrai débiteur c’est le promettant et que le terme a été stipulé dans son intérêt en premier chef.
Après qu’on a vu dans la phase de la conclusion des avants contrats comment la cour de cassation ordonne et structure sa jurisprudence vers l’efficacité des autres intérêts en jeu que les avants contrats. On verra dans un deuxième temps l’efficacité qu’elle a accordé à ces clauses en cas de violation.

II/ Au niveau de la sanction de la violation des avants contrats

Il est très connu la position de la cour de cassation en ce qui concerne la sanction de violation des avants contrats (A) mais qu’en est-il dans le cas où la condition n’est pas réalisée par la faute du bénéficiaire de la promesse (B).

A. La violation réparée par les dommages-intérêts

1. La doctrine française est presque unanime sur la nature juridique des avants contrats comme un droit potestatif, et que la réparation adéquate en cas de la violation de ses droits c’est l’exécution forcée, et non pas les dommages et intérêts qui concerne les droits personnels ([12]). Mais malgré cela la troisième chambre civile a maintenu sa jurisprudence depuis les années 90 ([13]), ce qui reflète très bien la valeur que la cour donne pour ces contrats préparatoires et explique sa position dans les questions liées à ce sujet ([14]).
La substitution n’est possible –au moins pour les pactes de préférence- que s’il est établi que le deuxième acquéreur a contracté en connaissance du pacte, ainsi que l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce qu’est difficile à réaliser.
2. Dans le même cadre la cour de cassation ([15]) a opéré un revirement ordonné pour dire que même si l’acquéreur connait l’existence d’un avant contrat en général, mais le bénéficiaire n’a pas publié son droit potestatif dans les livres de la publication foncière, il perd son droit à cause sa faute. Et même le notaire -chargé par l’autorité publique pour dresser, vérifié, conservé les actes authentiques- n’est pas responsable, pour une simple raison, c’est que la cour de cassation ne considère pas la simple connaissance de l’acquéreur comme faute. C’est juste quand-t-elle établira sa jurisprudence de 1968([16]), le notaire verra sa responsabilité engagée.
3. Dans le même ordre d’idée établissant l’inefficacité des avants contrats, la cour de cassation maintient toujours sa jurisprudence Manoukian, et elle ne répare que l’intérêt négatif, malgré la résistance des juges du fond octroyant parfois à la victime de la rupture brutale des pourparlers la perte de chance. On trouve encore des arrêts des juges de fond cassé par la cour de cassation ([17]), au motif qu'il n’y a pas de lien de causalité entre la faute du contractant de rompre et le préjudice de la perte de chance.
En principe, la solution est juste, mais il faut au moins changer la motivation, parce que le lien de causalité entre la faute et le dommage prétendu à mon avis existe. Elle peut motiver sa décision par exemple par le fait que le dommage est éventuel ou incertain.
Mais qu’en est-il quand le promettant prouve que le bénéficiaire a été fautif quand-t-il a empêché la réalisation de la condition par son comportement.

B. La réparation de dommage dans le cadre de l’article 1178 du code civil

Est-ce que les praticiens peuvent compter sur les avants contrats quand ils sont sous conditions suspensives ?
Il y a un grand risque que la cour de cassation les qualifiés comme condition potestatif, et elle annule l’acte en application de l’article 1174 du code civil ([18]), malgré que la doctrine a souligné que ce dernier article prévoit la nullité comme constat et non pas comme sanction.
Pourtant on peut constater que la cour de cassation a donné efficacité à ces clauses sous condition suspensive, en appliquant l’article 1178 du code civil, comme le montre l’arrêt qui a fait droit au créancier, et elle n’a pas été convaincu par le motif de la cour d’appel que la différence a été légère entre le taux stipulé dans le contrat et le taux demandé par l’emprunteur ([19]).
Mais des doutes subsistent en prenant en considération les jugement concernant la résiliation unilatérale anticipé même pour des contrat conclu ([20]), ainsi sa position concernant la clause de division dans les contrats indépendants ([21]), ce qui me donne l’impression qu’elle établira son ordre contre l’efficacité des avants contrats, et pour l’efficacité et la sécurité des autres intérêts économique en jeu.

En somme la cour de cassation concernant les avants contrats est bien ordonné, elle donne moins d’efficacité de ce type des contrats préparatoires, vu qu’ils sont des restrictions de la libre cession des biens, et des exceptions au principe de la libre disposition. Mais est-ce que c’est toujours le cas, après la réforme du droit des contrats par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ?


* Doctorant à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne



[1] - JC. Bousquet. note sous TGI. Dijon. 8 Mars 1977. Dalloz. 32 cahier. Jurisp. 1977. p 482. ; D. Rondoux. Note sous TGI. Dijon. 8 mars 1977. Rev. Soc. n°2. 1977. p 279. ; J. Moury. Op .Cit. p 187. note 7. ;Y. Rienhard. note sous cass. Com. 7 mars 1989. JCP.1989. ed G. n°40. 21316 - 21317. Rabut note sous TGI Dijon. 8 mars 1977. J.C.P. ed G n°44 .1977. 18722. A.P.S. Note sous jugement TGI. Dijon. Gaz. Pal. n° 5. Jurisp. p 505.
[2] - Cass. Com. 12 mai 1975. Rev. Sos. 1976. p 337. note Hemard.; RTD com. 1976. p 532. Obs. Houin. ; D. 1987. N° 17. Jurisp. p 231. Conclusion de M. Joel. ; Cass. Com. 15 Fév. 1994. Bull. Joly, 1994, § 152, p. 508, note D. Velardocchio. com. 3 juin 1986., D. 1987, 95, note J.J. DAIGRE ; rev. Soc. 1987, 52, note Y. Reinhard ; JCP. 1987, ed. E, II, 15083, note Y. Paclot.
[3] - Cass. Com. 7 mars 1989. JCP. éd G. n° 40. II. Jurisp. 1989. 21316. note Reinhard ; cass. com. 7 janvier 2004, n° 00-11692. Cass. Com. 12 mai 1975. Rev. Sos. 1976. p 337. note Hemard.
[4] - cass. Com., 12 janvier 1999, n° 96-14604. V. aussi cass. Com., 4 mai 2010, n° 09-14415, qui juge que « le fait de ne pas poursuivre les négociations ne constitue pas une faute ».
[5] - Cass. Civ. 3e, 14 juin 2000, D. n° 98-22131. ; Cass. Com, 10 octobre 2000, Cass com., 6 mai 1991, D. n°  88-13848, qui font état d’une «rupture abusive des pourparlers»._ Cass. com., 7 mars 2006, D. n° 04-17177, qui constate une rupture « sans retard, ni abus » des pourparlers engagés. -Cass. civ. 3, 30 Juin 2009, 08-17475, qui relève que le défendeur « avait rompu abusivement les pourparlers avancés de négociation ». -Cass. civ. 3, 28 juin 2011, n° 10-14955. Cass. com., 22 mars 2011, D. n° 10-11724, qui retient « qu'il n'est pas démontré que le projet était suffisamment sérieux pour rendre abusif le refus de l'accord de prêt de la caisse ».-Cass. corn., 21 février 2012, D. n° 11-10124.
[6] - Cass. civ 3e, 28 mai 1997, 95-20.098, Publié au bulletin.
[7] - Article 1589 du code civil La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
[8] - P. MALAURIE et L. AYNÉS, P-Y GAUTIER, « Droit civil, les contrats spéciaux, 6e éd, Defrenois, 2013., p
[9] - Civ 3e , 21 novembre 2012, N° de pourvoi : 11-23382, Publié au bulletin.
[10] - Civ 3e , du mercredi 29 mai 2013, N° de pourvoi : 12-17077, Publié au bulletin
[11] - Laurant AYNES, Obs. sous Civ 3e , 21 novembre 2012, Droit et patrimoine, n° 226, Juin 2013.
[12] - Pour plus d’informations sur le sujet de la sanction de la violation du pacte de préférence, voir : J. Didier. «Lexécution forcée des obligations contractuelles de faire». RTD. Civ. 1978. P 713. ; M. Jeantin. «Les clauses de préemption statutaire entre associés». JCP. Ed E. 1991. P 205. ; BMercadal et Ph. Janin. «Sanction des clauses de préemption dans les pactes d’action». RJDA. 1. 1992. P 3. ; L. Mazeaud. «La responsabilité du fait de la violation d'un pacte de préférence». Gaz. Pal. 1994. P 210. ; Y. Chartier. «Les clauses  de préférence et de préemption en cas de cession à des tiers, in La stabilité du pouvoir dans les sociétés». R.J.com. nov. 1990, N° spécial. p 77.
[13] - Civ. 3e, 15 déc. 1993, n° 91-10.199, D. 1994. 507 , note F. Bénac-Schmidt , 230, obs. O. Tournafond , et 1995. 87, obs. L. Aynès  ; AJDI 1994. 384 , 351, étude M. Azencot , et 1996. 568, étude D. Stapylton-Smith  ; RTD civ. 1994. 584, obs. J. Mestre .
[14] - Cass. civ. 1, 4 mai 1957 : Bull. civ. I, n° 197, p. 163, voir aussi Cass. com. 27 mai 1986 : Bull. Joly 1986, 687 ; Rev. trim. dr. civ. 1987, 88, note Mestre . ; cass. Com. 7 mars 1989, JCP. éd G, n° 40. II. Jurisprudence 1989. 21316., note Y. Reinhard. ; Ch. mixte, 26 mai 2006, n° 03-19.376 et 03-19.495, D. 2006.1861, notes D. Mainguy  et P.-Y. Gautier,
[15] - Civ 1e 11 septembre 2013 N° de pourvoi : 12-23357 Publié au bulletin 
[16] - La cour de cassation a longtemps décidé que « la simple connaissance par le second acquéreur d'une première aliénation non publiée suffit pour écarter les règles de la publicité foncière et pour faire déclarer la première aliénation opposable à l'acquéreur second en date » (Civ. 1re, 22 mars 1968, Bull. civ. I, n° 129 - Civ. 3e, 10 mai 1972, n° 71-11.520, Bull. civ. III, n° 300),
[17] Civ. 1re, 16 janv. 2013, n° 12-14.439, RTD civ. 2013. 380, obs. P. Jourdain. ; Civ. 1re, 30 avr. 2014, n°12-22.567, Publié au bull.
[18] - dans sa rédaction antérieure à celle de l'Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016.
[19] - civile 3, du 20 novembre 2013, N° de pourvoi: 12-29021 , Publié au bulletin
[20] -  com 18 juin 2013. N° de pourvoi: 12-13360. Non publié au bulletin
[21] - Ch mixte 17 mai 2013_ N  11-22.927, Publié au bulletin.