lundi 9 décembre 2019

482 : Affaire du chantage : Étendue de l’obligation de loyauté dans l’administration de la preuve en matière pénale , CC. Ass. plén, arrêt du 9 décembre 2019 ,

Arrêt n°650 du 9 décembre 2019 (18-86.767) - Cour de cassation - Assemblée plénière

  • Étendue de l’obligation de loyauté dans l’administration de la preuve en matière pénale

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre la décision prise par une chambre de l’instruction de rejeter les demandes d’annulation des actes de la procédure fondées sur la déloyauté du procédé employé par la police pour apporter la preuve de la tentative de chantage dont aurait fait l’objet une personne.
L’affaire
Menacé de voir divulguée une ‘sextape’ dans laquelle il apparaîtrait, une personnalité médiatique porte plainte pour tentative de chantage. Afin de découvrir l’identité des auteurs, le procureur de la République autorise un officier de police judiciaire à négocier par téléphone avec la personne soupçonnée, en se faisant passer pour le mandataire de la victime présumée.
La question posée à la Cour de cassation
Lorsque les autorités publiques cherchent à apporter la preuve d’une infraction, le recours à un stratagème est-il autorisé et dans quelles conditions ?
Réponse de la Cour de cassation
Toute méthode d’investigation qui contribuerait à provoquer la commission de l’infraction est proscrite, le stratagème ainsi employé étant alors de nature à entraîner la nullité des actes de procédure. En dehors de cette hypothèse, le recours, par les autorités publiques, à un stratagème tendant à la constatation d’une infraction ou l’identification de ses auteurs ne constitue pas, en soi, une atteinte au principe de loyauté de la preuve. Pour qu’une telle atteinte soit constituée, il est nécessaire que le procédé employé, par un contournement ou un détournement d’une règle de procédure, ait pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l’un des droits essentiels ou à l’une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie.
En l’espèce aucune atteinte de cette nature n’était alléguée ni démontrée. Le pourvoi est rejeté.
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mercredi 20 novembre 2019

615 : SAISIE Déchéance - irrecevabilité : Arrêt du 20 novembre 2019 (18-82.066)- Cour de cassation - Chambre criminelle

Arrêt n°2326 du 20 novembre 2019 (18-82.066)- Cour de cassation - Chambre criminelle
- ECLI:FR:CCASS:2019:CR02326

SAISIE

Déchéance - irrecevabilité

Demandeur(s) : M. A... X..., ; et autres

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
I - Sur le pourvoi formé par la société Sun Pacific Investment : Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;
Qu’en conséquence, la société Sun Pacific Investment doit être déchue de son pourvoi, par application de l’article 590-1 du code de procédure pénale ;
II - Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par M. A... X... :
Sur sa recevabilité :
Attendu que le représentant légal d’une société, qui n’invoque aucune atteinte à un intérêt qui lui serait personnel, est irrecevable à se pourvoir en cassation en son nom personnel ;
III - Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par la société X... Investment Group Ltd  :
Sur sa recevabilité :
Attendu que la demanderesse au pourvoi, en sa qualité de débitrice de la créance dont la société Sun Pacific Investment est titulaire, n’a pas de droit, au sens de l’article 706-153 du code de procédure pénale, sur le bien saisi et n’a donc pas qualité pour se pourvoir en cassation contre l’arrêt de la chambre de l’instruction confirmant l’ordonnance de saisie du juge des libertés et de la détention ;
Que, lorsque le débiteur d’une créance ayant pour objet une somme d’argent conteste devoir consigner la somme due auprès de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, il lui appartient de saisir le magistrat qui a ordonné ou autorisé la saisie ou le juge d’instruction en cas d’ouverture d’une information judiciaire postérieurement à la saisie d’une requête relative à l’exécution de celle-ci sur le fondement de l’article 706-144 du code de procédure pénale ; D’où il suit que le pourvoi n’est pas recevable ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motif :
I - Sur le pourvoi de la société Sun Pacific Investment :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
II - Sur le pourvoi de M. X... et de la société X... Investment Group Ltd :
Le déclare IRRECEVABLE ;

Président : M. Soulard
Rapporteur : M. Ascensi
Avocat général : Mme Moracchini
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN et STOCLET
 Voir aussi :

Arrêt n°2327 du 20 novembre 2019 (18-86.781)- Cour de cassation - Chambre criminelle - ECLI:FR:CCASS:2019:CR02327

 

jeudi 14 novembre 2019

616 : Garde à vue : extension de la poursuite initiale à des faits nouveaux: Arrêt du 14 novembre 2019 (19-83.285)- Cour de cassation - Chambre criminelle

Arrêt n°2372 du 14 novembre 2019 (19-83.285)- Cour de cassation - Chambre criminelle


La notification à la personne gardée à vue d’une extension de la poursuite initiale, d’un autre chef, effectuée par application de l’article 65 du code de procédure pénale, n’a pas pour effet de générer une garde à vue distincte de celle en cours au moment de cette notification.
A l'occasion des rassemblements de "gilets jaunes" à Toulouse le samedi 2 février 2019, le procureur de la République a délivré plusieurs réquisitions de contrôle d'identité aux fins de recherche des auteurs d'infractions en matière d'armes et explosifs, stupéfiants, vol et recel.

Un groupe de personnes a été contrôlé, dont l'une a remis lors de son interpellation un trousseau de clefs portant des pastilles de couleurs, un jeu de clefs Allen et une clef en croix habituellement utilisée par les pompiers et permettant l'ouverture de certaines parties communes des immeubles. Placé en rétention pour vérification d'identité sur le fondement de l'article 78-3 du code de procédure pénale, l'intéressé a refusé de se laisser signaliser. Il a alors été placé en garde à vue pour refus de se soumettre à des relevés signalétiques et au prélèvement biologique. Les autorités suisses ayant signalé que sa photographie correspondait en réalité à une autre personne, il s'est vu notifier le lendemain l'extension des poursuites au chef d'usurpation d'identité. Déféré, il a été mis en examen et a été placé en détention provisoire.
Son avocat a déposé une requête en nullité du contrôle d'identité et de la mise en examen.

Par arrêt du 19 avril 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse a prononcé l'annulation du placement en garde à vue et de la mise en examen pour les seules infractions de refus de se prêter aux prises d'empreintes digitales et de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques. Elle a ordonné l'annulation ou la cancellation des pièces ou actes de procédure dont ces procès-verbaux étaient les supports nécessaires.
Pour dire n’y avoir lieu à annulation du procès-verbal d’audition intitulé “Procès-verbal de notification supplétive de garde à vue”, les juges du fond ont relevé que le placement en garde à vue de l'intéressé était juridiquement possible pour l’infraction d’usurpation d’identité, qui n’avait aucun lien avec le fait de refuser de se laisser signaliser et le placement en garde à vue qui en est résulté.
Les juges ont souligné que cette infraction était apparue notamment par la comparaison entre l’identité que le mis en cause avait déclinée lors du contrôle d’identité et le renseignement fourni par les autorités suisses, de sorte que la notification qui lui avait été faite en exécution de la consigne donnée par le procureur de la République de son placement en garde à vue et des droits afférents apparaissait régulière.

La Cour de cassation censure ce raisonnement.
Dans un arrêt du 14 novembre 2019, elle indique qu'il se déduit du premier de l'article 65 du code de procédure pénale que la notification à la personne gardée à vue d’une extension de la poursuite initiale, d’un autre chef, n’a pas pour effet de générer une garde à vue distincte de celle en cours au moment de cette notification.
Elle précise qu'il résulte des articles 174 et 206 du même code que lorsque la chambre de l’instruction annule un acte de la procédure, elle doit également annuler tous les actes de la procédure subséquente qui découlent des actes viciés.

AUTEUR : PASCALE BRETON ID RÉF. DE L'ARTICLE : 351887

En savoir plus : Dalloz actualité, article, 11 décembre 2019, note de Hugues Diaz, “Nullités : portée de l’annulation de la garde à vue” 

vendredi 25 octobre 2019

481 : Dessin humoristique d’une personnalité politique, Arrêt du 25 octobre 2019 - Assemblée plénière,

Arrêt n°649 du 25 octobre 2019 (17-86.605) - Cour de cassation - Assemblée plénière

PRESSERejet
Ne dépasse pas les limites admissibles de la liberté d’expression la diffusion, lors d’une émission de télévision, d’une affiche qui associe une personnalité politique, candidate à l’élection présidentielle, à un excrément, dès lors que cette affiche, initialement publiée dans un journal revendiquant le droit à l’humour et à la satire, comporte une appréciation du positionnement politique de cette candidate à l’occasion de l’élection et a été montrée avec d’autres affiches parodiant chacun des candidats, dans la séquence d’une émission polémique s’apparentant à une revue de presse, mention étant expressément faite que ces affiches émanent d’un journal satirique et présentent elles-mêmes un caractère polémique.

Note explicative relative à l’arrêt n°649 du 25 octobre 2019 (17-86.605) - Assemblée plénière

Le samedi 7 janvier 2012, au cours de l’émission « On n’est pas couché », diffusée par France 2, l’animateur, M. Y..., a présenté à l’antenne plusieurs affiches parodiques attribuées à des candidats à l’élection présidentielle, qui avaient été publiées dans l’édition du 4 janvier 2012 du journal Charlie Hebdo. Dans celle attribuée à Mme X..., la représentation d’un excrément fumant était surmontée du texte : « X..., la candidate qui vous ressemble ».
Après le dépôt, par Mme X..., d’une plainte avec constitution de partie civile, M. Y... a été poursuivi pour complicité d’injures publiques envers un particulier.
Il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Paris qui a, en outre, rejeté la demande de dommages-intérêts formée par Mme X....
Celle-ci ayant interjeté appel, la cour d’appel de Paris, qui, en l’absence d’appel du ministère public, n’était investie que du pouvoir de statuer sur l’action civile, a confirmé le jugement en ses dispositions civiles.
Mme X... s’étant pourvue en cassation, la chambre criminelle, par arrêt du 20 septembre 2016, a cassé l’arrêt d’appel aux motifs que « le dessin et la phrase poursuivis, qui portaient atteinte à la dignité de la partie civile en l’associant à un excrément, fût-ce en la visant en sa qualité de personnalité politique lors d’une séquence satirique de l’émission précitée, dépassaient les limites admissibles de la liberté d’expression ».
Par arrêt du 20 septembre 2017, la cour d’appel de Paris, autrement composée, a, de nouveau, confirmé le jugement en ses dispositions civiles.
Mme X... a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Ce pourvoi est rejeté par l’assemblée plénière, dont l’arrêt permet de dégager les enseignements suivants.
1. L’arrêt apporte une confirmation sur la nature et l’intensité du contrôle qu’opère la Cour de cassation en matière d’infractions de presse.
Pour les infractions prévues et réprimées par la loi du 29 juillet 1881, la Cour de cassation se réserve traditionnellement le droit d’examiner elle-même les écrits incriminés et d’en apprécier le sens et la portée, tout en retenant le principe d’une distinction entre les éléments intrinsèques, c’est-à-dire l’écrit incriminé, pris en lui-même, et les éléments extrinsèques, qui « colorent » cet écrit en révélant son véritable sens au public, dont l’appréciation est laissée au pouvoir souverain des juges du fond.
Ce contrôle est confirmé par la présente décision. La cour d’appel, qui a considéré que le caractère matériellement injurieux de l’affiche était établi, est approuvée pour avoir « exactement » apprécié le sens et la portée de l’affiche incriminée à la lumière des éléments extrinsèques qu’elle a « souverainement » analysés.
Mais, au-delà du contrôle traditionnel de la qualification juridique de l’injure, la Cour de cassation exerce également un contrôle de proportionnalité des atteintes à la liberté d’expression, fondé sur l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La Cour européenne des droits de l’homme, qui attache une importance toute particulière à la liberté d’expression, qu’elle qualifie de « l’un des fondements essentiels » d’une société démocratique, n’admet comme restrictions à cette liberté que celles qui sont prévues par la loi, poursuivent un but légitime et sont nécessaires dans une société démocratique, ce qui implique qu’elles répondent de manière proportionnée aux intérêts légitimes protégés.
Le droit européen impose donc un contrôle de proportionnalité qui peut conduire à la neutralisation des incriminations prévues par la loi du 29 juillet 1881 si l’atteinte à la liberté d’expression en résultant n’est pas jugée proportionnée à la réalisation des objectifs poursuivis.
Se prononçant sur l’intensité du contrôle de proportionnalité, qui varie en fonctions des domaines dans lesquels il s’exerce, l’arrêt confirme également l’exercice, en matière d’infractions de presse, d’un contrôle entier, qui permet à la Cour de cassation de substituer sa propre appréciation à celle des juges du fond.
En posant le principe d’une appréciation en proportionnalité, y compris au stade de la cassation, l’assemblée plénière tient compte de la limitation de la marge d’appréciation des autorités nationales, notamment en présence de questions d’intérêt général, et montre l’importance qu’elle attache à la protection de la liberté d’expression.
En savoir plus



jeudi 24 octobre 2019

499 : L’huissier qui délivre le commandement de payer valant saisie immobilière . CC, 1re Civ., 24 octobre 2019, pourvoi n° 18-15.852, Bull. 2019 – P+B+I


CAUTIONNEMENT. 
CC, 1re Civ., 24 octobre 2019, pourvoi n° 18-15.852, Bull. 2019 – P+B+I 

Sommaire 1 : Il ne résulte pas de l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution, seul applicable à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, l’obligation pour l’huissier de justice qui signifie cet acte de remettre au débiteur saisi une copie du titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie est entreprise.

Sommaire 2 : Aux termes de l’article 1253 du code civil, abrogé par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paye, quelle dette il entend acquitter.

Dès lors, après avoir relevé que l’accord d’imputation des paiements conclu entre la banque et une société prévoyait que le produit de la vente des biens immobiliers serait imputé sur le compte centralisateur de l’autorisation de découvert en compte courant de l’opération immobilière menée par cette société, et non sur le prêt que celle-ci avait souscrit, une cour d’appel a retenu, à bon droit, que ce choix d’imputation des paiements effectués par le débiteur principal s’imposait au tiers qui s’était porté garant du prêt, que celui-ci en ait été informé ou non.

Sommaire 3 : Modifie l’objet du litige la cour d’appel qui, statuant en appel d’un jugement d’orientation ayant autorisé la vente amiable du bien saisi, infirme le jugement de ce chef et ordonne la vente forcée du bien, alors qu’aucune partie n’avait interjeté appel du jugement en ce qu’il avait autorisé la vente amiable.

Doctrine :
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jeudi 17 octobre 2019

337: QPC, L'inconstitutionnalité de l'article 1124 du code civil, Cass. 3eme civ. du 17 octobre 2019,

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Vente immobilière - Code civil - Article 1124, alinéa 2 - Principe de liberté contractuelle - Droit de propriété - Caractère sérieux - Défaut - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Cour de cassation -
Troisième chambre civile 
Arrêt n°953 du 17 octobre 2019 (19-40.028) - 
Non-lieu à renvoi
QPC
Demandeur(s) : Société Immobilière Iliad
Défendeur(s) : Société D6 IMMO


Attendu que, par acte authentique du 20 décembre 2017, la société Immobilière Iliad a consenti à la société D6 Immo une promesse unilatérale de vente d’un immeuble ; que la société D6 Immo a assigné la société Immobilière Iliad en perfection de la vente ; que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Rennes a transmis la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

“Les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 1124 du code civil sont-elles contraires :
- au principe de liberté contractuelle découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789,
- au droit de propriété garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ?
” ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige au sens de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question posée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;

Et attendu que celle-ci ne présente pas un caractère sérieux dès lors que, selon l’article 1124, alinéa 1er, du code civil, dans une promesse unilatérale de vente, le promettant donne son consentement à un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire, de sorte que la formation du contrat promis malgré la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne porte pas atteinte à la liberté contractuelle et ne constitue pas une privation du droit de propriété ;
D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS  :

DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité

Président : M. Chauvin
Rapporteur : Mme Guillaudier, conseiller référendaire
Avocat général : M. Brun
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel



3e Civ., 17 octobre 2019, pourvoi n° 19-40.028 (FS-P+B+I)




Titre


mercredi 16 octobre 2019

486 : QPC : 1re Civ., 16 octobre 2019, pourvoi n° 19-40.030, Bull. 2019 - P+B+I


AGENT IMMOBILIER 
Énoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

2.  Par ordonnance du 3 août 2019, le juge des libertés et de la détention a transmis une question prioritaire de constitutionnalité présentée par Mme X., ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 222-1 du CESEDA en tant qu'elles limitent l'office du juge à la vérification de l'exercice effectif des droits reconnus à l'étranger maintenu en zone d'attente portent-elles atteinte à la protection effective de la liberté individuelle garantie par le juge judiciaire au sens de l'article 66 de la Constitution et de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi qu'au droit au recours effectif au sens de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? ».

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

3. La disposition contestée est applicable au litige.

4.  Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

5.  Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

6. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que les dispositions de l'article L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, qui ont pour objet et pour effet de mettre en évidence le contrôle du juge des libertés et de la détention sur le caractère effectif de l'exercice des droits reconnus à l'étranger, ne contiennent en elles-mêmes ni limitation de l'office du juge dans son rôle de gardien de la liberté individuelle ni restriction du droit à un recours juridictionnel effectif.
7. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Doctrine :
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jeudi 10 octobre 2019

527 : Mise en œuvre des critères pour procéder à la mise en balance : 1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-21.871, par SDER

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE


1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-21.871, Bull. 2019 - P+B+I


Sommaire : Le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.

Pour effectuer cette mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], n° 40454/07, § 93).


Il incombe au juge de procéder, de façon concrète, à l’examen  de chacun de ces critères (1re Civ.,   21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.741, publié).

Doctrine :

-  Lionel COSTES, « Mise en œuvre des critères pour procéder à la mise en balance entre le droit à la protection de la vie privée et le droit à la liberté d’expression », Actualités du droit, 15 octobre 2019


484 : mise en balance entre droit à l'information et respect de la vie privée : 1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-21.871,


1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-21.871, Bull. 2019 - P+B+I


Sommaire : Le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.

Pour effectuer cette mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], n° 40454/07, § 93).

Il incombe au juge de procéder, de façon concrète, à l’examen  de chacun de ces critères (1re Civ.,   21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.741, publié).

Doctrine :
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521 : Interruption de prescription en matière de presse : 1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-23.026, Bull. 2019 - P+B+I

PRESSE.... 
CC, 1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-23.026, Bull. 2019 - P+B+I... 

PRESSE


1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-23.026, Bull. 2019 - P+B+I


Sommaire 1 : L’acte de notification préalable d’un arrêt de cassation par l’avocat de la partie poursuivante à l’avocat de la partie adverse, en application de l’article 678 du code de procédure civile, et l’acte de signification à partie de cet arrêt sont des actes de poursuite interruptifs de la prescription édictée par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Sommaire 2 : La saisine de la juridiction de renvoi après cassation interrompt, dès sa déclaration, la courte prescription édictée par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, quelle que soit la partie dont elle émane.

Doctrine :

-  Catherine BERLAUD, « Interruption de prescription en matière de presse », Gaz. Pal., 22 octobre 2019, n° 36, p. 32
-  Lionel COSTES, « Diffamation : l’action déclarée prescrite à tort », Actualités du droit, 16 octobre 2019

vendredi 4 octobre 2019

480 : GPA faite à l’étranger et lien de filiation avec la mère d’intention, Assemblée plénière, Arrêt du 4 octobre 2019 , CC

Arrêt n°648 du 4 octobre 2019 (10-19.053) -Cour de cassation - Assemblée plénière

GPA - FILIATION

Cassation sans renvoi

GPA faite à l’étranger et lien de filiation avec la mère d’intention 


Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Dans le cas d’espèce, seule la transcription des actes de naissance étrangers permet de reconnaître ce lien dans le respect du droit à la vie privée des enfants.
Les faits 
Un couple de Français recourt à la gestation pour autrui en Californie, où la GPA est légale. Les enfants naissent en 2000. Leurs actes de naissance sont établis aux Etats-Unis, conformément aux jugements de la Cour supérieure californienne. Ces actes de naissance réguliers mentionnent les membres du couple comme étant le père biologique et la « mère légale », qui n’a pas accouché. Ils avaient alors été transcrits sur les registres de l’état civil français, avant qu’une procédure en annulation ne soit engagée par le ministère public.
La procédure 
En 2011, la Cour de cassation refuse au couple la transcription en France des actes de naissance. En 2014, la Cour européenne des droits de l’homme, saisie par le couple, condamne la France pour atteinte au droit au respect de la vie privée des enfants. En 2018, la Cour de cassation procède au réexamen de l’affaire : elle saisit la Cour EDH pour avis consultatif quant aux possibilités offertes pour reconnaître l’existence du lien avec la mère d’intention, en dehors de toute réalité biologique. En 2019, la Cour EDH est d’avis qu’un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention doit pouvoir être établi, mais laisse les Etats décider du mode le plus adapté. 
La question posée à la Cour de cassation 
Le lien de filiation entre un enfant né d’une GPA à l’étranger et le père biologique, d’une part, la mère d’intention, d’autre part, doit-il être reconnu et si oui, par quel moyen ? 
La réponse de la Cour de cassation 
En droit français, les conventions de GPA sont interdites. Toutefois, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3§1 de la Convention de New York sur les droits de l’enfant) et pour ne pas porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée (art. 8 de la Convention EDH), une GPA réalisée à l’étranger ne peut faire, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Cette reconnaissance doit avoir lieu au plus tard lorsque le lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé. Concernant le lien avec le père biologique, il est déjà acquis, depuis 2015, qu’il peut être établi à certaines conditions par la transcription de l’acte de naissance établi dans un pays étranger. Si, en droit français, la filiation peut être établie de différentes manières (acte de naissance, reconnaissance volontaire, adoption, possession d’état, jugement), dans le cas d’une GPA réalisée à l’étranger, le lien avec la mère d’intention doit être établi en privilégiant un mode de reconnaissance qui permette au juge français de contrôler la validité de l’acte ou du jugement étranger et d’examiner les circonstances particulières dans lesquelles se trouve l’enfant. L’adoption répond le mieux à ces exigences. Toutefois, dans cette affaire spécifique qui dure depuis plus de quinze ans, une procédure d’adoption porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants : celles-ci sont nées depuis plus de 18 ans, leurs actes de naissance ont été établis à l’étranger dans un cadre légal et elles ne peuvent prendre l’initiative d’une adoption, dont le choix revient aux parents. La possession d'état, quant à elle, à supposer que les conditions légales en soient réunies, n'offrirait pas une sécurité juridique suffisante. Dans ce cas particulier, en l’absence d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des enfants, et alors que la demande en réexamen a pour objet de mettre fin aux atteintes portées à la Convention EDH, la transcription en France des actes de naissance désignant la mère d’intention, avec laquelle le lien est depuis longtemps largement concrétisé, ne doit pas être annulée.